Nice très mal logée
Nice est loin d’être « so nice » en matière de logement. Pour les uns le principal problème est le manque de logements sociaux, pour les autres l’habitat indigne, pour certains les expulsions et l’explosion des charges locatives ou encore les logements vacants.
Un exploit largement confirmé par le 19e rapport annuel de la fondation Abbé Pierre. Plus technique qu’idéologique – il s’appuie sur des données de l’Insee, de la Caf, etc. -, le document dresse un bilan particulièrement salé de l’action de Christian Estrosi, député-maire UMP de la ville depuis 2008 : 14,5 euros le m2 locatif (4e sur 19 villes derrière Aix, Cannes et Antibes) ; 12,2 % de logements sociaux ; 11 % de logements vacants. Las but not least, les Alpes-Maritimes sont le département où les loyers grignotent le plus les revenus des locataires aidés : 29,8 % dans le privé, 13,7 % (1) dans le public. Adjoint depuis 1983, le « bébé Médecin » peut difficilement renvoyer ces tristes records à ses prédécesseurs, comme il tente de le faire (2).
A sa décharge, Christian Estrosi n’a lui-même jamais eu de problème de logement. En mai 2010, Le Canard Enchaîné, révélait ainsi que l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy occupait un appartement à Bercy au titre de son marocain à l’industrie et logeait sa fille aux frais de la République dans un hôtel particulier du 18e siècle. De 2003 à 2008, alors président du conseil général des Alpes-Maritimes, « motodidacte » occupait le logement de fonction de la collectivité au Palais des ducs de Savoie.
« Les élus ne veulent ni pauvres, ni misères » De leur côté, ses adversaires se sont emparés de la question et en font un thème central de la campagne. Olivier Bettati, dissident UMP, a ainsi symboliquement organisé sa première conférence de presse sur le logement et carrément à la cité des Liserons. « C’est l’une des plus délabrées de Nice, c’est Mad Max », rappelle Jean-Christophe Picard, président du PRG 06 qui a rejoint l’ancien adjoint du député-maire. De son côté, le Front de gauche en a fait sa deuxième priorité, avec les déplacements, après la démocratie locale. Quant à Patrick Allemand, candidat PS, il place le logement dans sa première thématique « Nice, juste et solidaire ». Tous font le même constat : la ville souffre du manque de logements sociaux et de la spéculation immobilière. « Il y a de la cohabitation forcée et la ville perd des habitants, qui s’installent dans l’arrière pays », dénonce le socialiste Paul Cuturello. « Beaucoup de choses sont construites, mais pour le tourisme et pas pour répondre aux besoins des Niçois », poursuit le communiste Robert Injey.
Pas sûr que leurs promesses électorales de construction de logements sociaux ou de préemption de logements vacants suffisent à convaincre. Référent de la fondation Abbé Pierre à Nice, Jean Gailhbaud place en tête de ses préoccupations les expulsions locatives, une illustration selon lui du peu d’intérêt des élus pour le logement. « Dans le département, les pouvoirs publics n’ont aucune tolérance, les élus ne veulent ni pauvres, ni misères », dénonce le militant. Et d’insister : « Même ceux qui souhaitent s’attaquer au problème ne sont pas crédibles. Donc, on bricole. » Président de la confédération générale du logement des Alpes-Maritimes, François Gueury n’est pas plus tendre. « Les politiques se tapent le coquillard de la question du logement parce que nous sommes dans une région bourgeoise et parce qu’ils ont une vision à court terme des choses, peste ce responsable associatif qui, lui, concentre son combat sur les charges dans l’habitat social. Les charges peuvent représenter la moitié du loyer parce que les bâtiments ne sont pas entretenus ! »
Au moins deux Niçois qui ne devraient pas être déçus le 30 mars, lorsque Christian Estrosi se succédera à lui-même, comme chacun le prédit. Car malgré ses grands discours, le député-maire de Nice ne fait aucune promesse en matière de logement. En attestent son bilan et son nouveau programme. Le logement occupe la dernière place de l’infographie qui regroupe les réalisations de son premier mandat ; le programme se résume à trois propositions…
Jean-François Poupelin
1. A égalité avec les Alpes de Haute-Provence. 2. Dans une interview à Nice Matin (29/01/2014), Dominique Estrosi-Sassone, adjointe de son ex-mari, annonce la construction de 1 268 logements sociaux par an depuis 2008. Chiffre contesté par ses adversaires