Mutuelle pour tous
Négocier une complémentaire santé à l’échelle d’une municipalité, selon les principes historiques de la mutualité – cotisation unique pour tout le monde et solidarité du pot commun – est une idée qui ne paraît pas si folle. Pourtant, il aura fallu attendre octobre 2013 pour qu’une petite ville de 4 000 âmes, Caumont-sur-Durance, près d’Avignon, soit la première à tenter l’expérience en France. Une initiative qui doit beaucoup à Véronique Debue, élue adjointe aux affaires sociales depuis 2008 sur une liste « apolitique » (NDLR répertoriée divers droite).
C’est en entendant quelques administrés se plaignant de la cherté de leur contrat ou repoussant des soins faute de pouvoir les régler que l’idée commence à lui trotter dans la tête. Un an après, le dispositif était en place. Et ce malgré les réticences de certains rabat-joie qui n’y croyaient pas. Véronique Debue, qui se dit engagée avant tout « pour l’humain », aime à reprendre une phrase de Churchill : « tout le monde savait que c’était impossible à faire puis un jour quelqu’un est arrivé qui ne le savait pas, et il l’a fait. » Tout en assurant qu’elle ne sait « toujours pas pourquoi c’est [elle] qui a eu l’illumination ! »
Aujourd’hui 160 contrats ont déjà été signés avec la MGA (mutuelle générale d’Avignon). La cotisation a été fixée à 47 euros par mois. Robert, 68 ans, qui patiente devant la permanence hebdomadaire de la mutuelle en mairie est l’un de ceux-là : « pour des prestations équivalentes, je payais 100 euros. C’est une grosse économie pour moi. Et le service est même mieux car il y a une proximité que n’offrait pas mon ancien contrat. »
La MGA a été choisie sur des critères spécifiques, défini par un comité de pilotage représentant des experts de santé locaux, des juristes etc. « Il fallait absolument que la mutuelle sélectionnée assure une permanence, qu’elle soit réactive, interprofessionnelle, sans critères d’âge et qu’elle n’utilise pas de plate-forme téléphonique… De l’humain quoi ! », insiste Véronique Debue. La directrice de la MGA, Nathalie Meyer, avoue d’abord avoir été surprise avant de trouver l’idée « fabuleuse ». Elle sait que la caisse sera déficitaire la première année car beaucoup de clients vont rattraper les soins qu’ils ont repoussés faute d’argent. « Mais tout sera lissé dans deux ou trois ans », assure-t-elle.
En tout cas, l’idée a très vite fait le buzz, même Pernaut en a parlé sur TF1… Au point que Véronique Debue reçoit tous les jours des coups de fil de municipalités pour lui demander conseil. Elle continue à travailler sur d’autres idées pour mutualiser au maximum les dépenses des Caumontois, comme pour le fioul. Le dispositif fait en tout cas la fierté de ce gros village vauclusien et à trois mois des élections, le maire en place se frotte les mains. De la solidarité inter-générationnelle, des idées simples pour gagner du pouvoir d’achat… Cela fait du bien dans un territoire gangrené par l’extrême droite et l’enfermement idéologique qu’il instille. Et rien que pour ça, le Ravi est ravi.
Clément Chassot