MPM lance un grand projet inutile
Après avoir dessiné la plus courte piste cyclable de la planète, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole se lance, cette fois pour la bagatelle de 95 millions d’euros HT, dans la construction du tunnel le plus con du monde. Et ça n’est pas le Ravi qui le dit, mais les services du président de MPM, Guy Tessier (Républicain) !
Dessiné sous le carrefour du général Ferrié (8e arr.), qui fait le lien entre quartiers est, sud et ouest, à hauteur du parc Chanot et du parc du 26e Centenaire, le tunnel a pour mission de désengorger le secteur après la destruction de la passerelle autoroutière imposée par le projet de prolongement du tramway entre la place Castellane et Dromel, à l’est. Mais il y a un hic. Tombée dans les bras du mensuel qui ne les baisse jamais, la dernière étude en date, qui en confirme une première datant de 2013, est sans appel. « Les aménagements proposés, notamment l’insertion du tramway, sont incompatibles avec un type de giratoire percé », conclut le document du cabinet Seryx Trafic System, remis, début avril 2015, à la collectivité qui ne l’a toujours pas rendu public. Avant d’enfoncer le clou quelques lignes plus loin : « [Leur] capacité est […] insuffisante pour absorber le trafic du secteur même à un horizon à long terme. » Avec des projections de bouchon d’1,3 km en 2020 sur certains axes !
Le tunnel Schloesing, son petit nom, a donc tout du grand projet inutile. Inutile et coûteux à en croire les services de Guy Tessier qui s’inquiètent d’un dernier détail : « L’aménagement [du carrefour] ne pourra être réalisé sans impacter le bâti, ce qui induit un surcoût non négligeable et non provisionné dans l’opération d’extension du tramway », explique un fonctionnaire. Qui désespère : « A Marseille, on trouve de mauvaises solutions à des questions mal posées. »
Un projet en béton armé
Car à MPM, qui a lancé la première phase de concertation en catimini au printemps, il est hors de question d’enterrer le projet. Bien qu’il ne soit pas, contrairement au prolongement du tramway, au menu du plan de déplacement urbain voté en 2013. « On est dans une phase de travail actif, de finalisation, avec une possible conclusion des discussions avant la fin de l’année », assure Robert Assante (UDI), vice-président de MPM en charge des transports (1).
Pour Guy Tessier, la réalisation du tunnel lui permettrait de lancer les travaux du boulevard sud urbain (BUS), aujourd’hui bloqué par un petit cadeau de Jean-Claude Gaudin à Vinci et Eiffage à la veille du premier tour des municipales de 2008 : en échange de la réalisation du Tunnel Prado Sud (TPS, payant), qui relie les plages du sud de Marseille à l’autoroute vers Toulon, le sénateur-maire « Républicain » de Marseille a signé un avenant repoussant à 2026 la construction de la partie sud du périphérique marseillais, son concurrent gratuit. Et, heureuse coïncidence, comme l’a raconté Marsactu (2), c’est la Société Marseille Tunnel Prado Carénage (SMTPC), filiale à 60 % d’Eiffage et de Vinci (30 % chacun) qui doit construire le tunnel Schloesing.
Et pour cause ! C’est le duo de bétonneurs qui a proposé dès 2012 le projet à MPM pour amener du trafic vers son seul TPS, avec à l’époque et pour le même prix, une seconde sortie gratuite (désormais rayée des plans). Mais ça n’est pas leur seul intérêt : pendant les travaux, les multinationales du BTP espèrent rabattre les voitures vers leur TPS, aujourd’hui déficitaire, et, surtout, Guy Tessier a mis dans la corbeille le prolongement de sept ans de la concession d’exploitation du Tunnel Prado Carénage dont la fin est programmée pour 2022 (2). Une poule aux œufs d’or qui rapporte une bonne dizaine de millions d’euros par an au duo.
« C’est du vol »
« Le véritable objectif du tunnel, c’est d’amener les voitures vers les caisses des tunnels de Vinci et Eiffage, peste Marc Poggiale, élu communiste de MPM. On va continuer à aggraver la place de la voiture à Marseille, en contradiction avec le PDU qui prévoit de la réduire de 8 % d’ici 2023 ! » « Guy Tessier argue que Schloesing ne coûtera rien à MPM puisqu’il sera payé par le prolongement de la concession, mais avec l’argent perdu et le péage lâché par les usagers, les Marseillais vont payer deux fois le tunnel, et même trois puisqu’une partie va empiéter sur le parc du 26e centenaire ! » dénonce de son côté Marc Maloszyc, de l’Adriv, une association de riverains qui se bat contre le bétonnage du secteur. Et de fulminer : « C’est du vol en gants blancs ! » « Pour moi il n’y a rien d’anormal puisqu’on fait sauter la clause sur le BUS », se défend Robert Assante. Avant de tempérer : « La passerelle va tomber, on va absorber son trafic, on va respirer, mais je n’ai jamais dit qu’on allait entrer dans le paradis moderne. » Ce serait plutôt même un retour aux sixties…
Jean-François Poupelin
1. Lionel Royer-Perreaut, vice-président de MPM à la commande publique et proche de Guy Tessier, et la SMTPC n’ont pas répondu à nos sollicitations.
2. Marsactu, 18/12/2014 et 18/02/15.
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