Mouans-Sartoux : première de la classe !
« Voici la terre nourricière de nos enfants ! », s’exclame Gilles Pérole, adjoint à l’éducation et à l’enfance (DVG) de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes, en remontant l’allée d’oliviers du domaine de Haute-Combe. Une exploitation de six hectares, des champs à perte de vue, des arbres fruitiers et une vieille bâtisse qui deviendra d’ici peu la Maison d’éducation à l’alimentation durable labellisée par le ministère de l’Agriculture. « Elle aura vocation à devenir un vrai centre de ressources », explique l’élu.
Ici on produit 25 tonnes de légumes bio par an qui permettent d’alimenter à 85 % les cantines des trois écoles ainsi que les crèches de cette ville de 10 000 habitants, soit environ 1000 repas servis par jour. Pour arriver à une autonomie complète, la commune met en place actuellement un système de transformation de la surgélation des légumes pour les fins d’hiver. « Concernant les 15 % restants, et notamment la viande, nous faisons en sorte là aussi de rester vertueux », précise l’élu.
La mairie se fournit dans le cadre des marchés publics auprès de la société Naturdis et bientôt auprès d’Echanges paysans, à Gap. Le pain, quant à lui, est préparé avec une farine bio du Var par un boulanger du village. Ils sont trois équivalent temps plein et demi sur l’exploitation. « Ici on laisse la nature faire. Les enfants mangent des produits sains qui ont du goût. J’espère que ça donnera des idées à d’autres communes, et que ça sera ça l’avenir », explique Bastien, aide maraîcher.
Mouans-Sartoux fait en effet figure d’exception car c’est la seule commune, avec Grande-Synthe (59), à posséder sa propre régie agricole et à nourrir ses enfants en 100 % bio depuis 2012. En préemptant Haute-Combe, la municipalité a fait le choix de faire pousser des légumes de saison au lieu d’un lotissement comme le souhaitaient les promoteurs. Dans une région où les terrains sont à prix d’or, à Mouans-Sartoux on est passé de 40 à 112 hectares de terres agricoles, lors du dernier Plan local d’urbanisme, quelques terres constructibles mais souvent des espaces naturels redonnés à l’agriculture.
« Ce n’est qu’une affaire de volonté politique, note Gilles Pérole. Si on a été en avance c’est parce qu’on a pris très tôt conscience des enjeux de santé et d’environnement. » Notamment grâce à l’ancien député-maire écologiste André Aschieri qui a veillé sur la commune de 1974 à 2015 (1) et qui a longtemps travaillé sur ces problématiques au niveau national. Lors de la crise de la vache folle, la mairie décide d’introduire le bœuf bio à la cantine. S’en est suivi une réflexion globale sur la restauration scolaire.
« On arrive à avoir une cantine 100 % bio sans dépenser plus, explique l’adjoint. En 2008, on avait 25 % de bio, on était à 1,92 euros d’achat aliment. En 2012, on est passé à 1,86 euros. Et de 147 grammes à 30 grammes de restes alimentaires, soit 20 centimes d’économie par repas. On gaspille moins donc on achète moins et on réinvestit dans la qualité. » Et Gilles Pérole de reconnaître pourtant que produire soi-même ses légumes ne fait pas faire d’économies : « On n’a aucune subvention. Chez un grossiste on paierait 20 % de moins. Mais on l’assume et on fait des économies sur autre chose. » Un repas coûte à la commune 8,39 euros, charges comprises. Pour les familles, selon leur quotient familial, il faut compter entre 2 et 6,20 euros par enfant.
A quelques minutes de l’exploitation, la cantine de l’école primaire l’Orée du bois est en plein service. Sandrine Nemri œuvre en cuisine depuis 15 ans et mesure la chance qu’elle a de pouvoir préparer des produits bio dont elle connaît l’origine. « En tant que maman, je trouve ça formidable », ajoute-t-elle. Aujourd’hui au menu c’est blanquette de veau (origine Gap), salade verte de la régie et polenta « cuisinée à la minute pour éviter d’en faire en trop grosse quantité ». Les fruits sont proposés en quartiers et chaque enfant choisit une portion selon sa faim avec la possibilité de se resservir. Krystelle, la référente cantine, est là pour vérifier qu’ils finissent bien leurs assiettes. Chacun a appris à trier ce qu’il reste sur son plateau. « Vide bien ton assiette ! Gaspillage-bousillage-sabotage : c’est la fin des haricots ! », indique un panneau coloré épinglé au dessus des poubelles.
« Y a des enfants dans le monde qui ne mangent pas équilibré, alors nous on a de la chance je crois », nous explique Elisa, 9 ans, en terminant sa polenta. Mouans-Sartoux, ne se contente pas de nourrir sainement ses chères têtes blondes, mais leur enseigne aussi le bien-manger. Afin qu’ils éduquent à leur tour leurs parents. Les familles reçoivent des idées recettes pour les aider à respecter l’équilibre alimentaire de l’enfant sur la journée. « Nous avons réalisé deux études qui montrent que 85 % des parents ont modifié leurs habitudes alimentaires à la maison », indique l’adjoint. Pendant les Temps d’activité périscolaire (TAP), ici, les enfants apprennent à cuisiner.
La commune est à l’origine d’un diplôme universitaire pour former des chefs de projet en alimentation durable au sein des collectivités territoriales et fait partie de divers programmes dont l’OFSP (Organic food system program) qui fournit à l’Onu des propositions pour mieux nourrir la planète. Afin d’essaimer ses bonnes pratiques pour les faire pousser ailleurs…
1. En 2015, André Aschieri quitte la mairie pour raison de santé. Le choix de son fils, Pierre Aschieri pour prendre sa suite, a déçu certains dénonçant une forme de népotisme…