Motodidacte roule pour les drives
C’est à la mode et ça fait américain. Cerise sur le borsalino de notre Jean Moulin régional, c’était dans son programme. Les premiers drives agricoles (ou fermiers) commencent donc à pousser en Paca sous l’impulsion de Christian Estrosi, président LR de Paca, l’autoproclamé homme de « la parole tenue ».
Le principe est plutôt sympathique à première vue. Des producteurs d’un territoire se regroupent pour vendre leurs produits (frais, de saison, du terroir, mais pas forcément bio), que les consommateurs achètent via Internet et récupèrent à date et horaire fixes, soit chez un des producteurs, soit sur un vrai « drive » de casiers réfrigérés et vidéosurveillés, option privilégiée par Estrosi. Ça fait passage chez Mac Do ou au drive d’un supermarché, mais ce système de vente directe est en plein boum en France, avec plus d’une centaine de points en activité (1). Le soutien de « Motodidacte » a pour but de favoriser les circuits courts et d’améliorer le pouvoir d’achat des agriculteurs. Que de bonnes intentions…
On aimerait d’ailleurs applaudir des deux mains le nouveau président de Paca. Mais il y a un hic. Alors qu’Estrosi a débloqué 600 000 euros en 2016 pour sa danseuse et qu’il promet plusieurs millions d’euros supplémentaires afin d’implanter pas moins de 200 drives agricoles dans la région en trois ans (compter 150 à 200 000 euros par unité selon le réseau Bio de Provence), il tranche en même temps dans certains financements à l’agriculture régionale, notamment en réduisant son soutien… aux circuits de vente directe. Le réseau régional de promotion des associations de maintient de l’agriculture paysanne, Amap de Provence, où on juge pourtant les drives « intéressants », va ainsi voir sa subvention du Conseil régional méchamment réduite.
« La politique d’Estrosi, qu’elle soit touristique avec ses canons à neige, ou agricole, est libérale, dénonce Olivier Bel, porte-parole de la Confédération paysanne Paca. Les drives, c’est dans l’air du temps, mais ça n’est pas la solution aux problèmes des agriculteurs. Ça n’est même pas de la vente directe, qui doit développer les liens avec le consommateur, ouvrir les fermes sur leurs pratiques. » Pour cet éleveur d’ovins installé dans les Hautes-Alpes, l’urgence est plutôt au soutien des petites exploitations, « qui sont souvent en-dehors du champ de toute aide mais permettent de nourrir les habitants de la région », ou encore aux ateliers de transformation. Des aides aussi sucrées… par Estrosi. Pour financer son rêve américain ?
Jean-François Poupelin
1. Légalement, les circuits courts sont compatibles avec un intermédiaire mais un seul. Ainsi, certains drives peuvent être portés par des entrepreneurs privés.
Article publié dans le Ravi n°143, daté septembre 2016