« Mon non commentaire est un commentaire »
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13h58
« Il fait chaud en ce moment ! », nous lance Eli Di Russo dans l’ascenseur qui mène à la salle du conseil, ce 12 octobre 2017. Cet ancien socialiste, élu depuis 1977, aura fait quasi toutes les mandatures dans la majorité, notamment de droite. Le précédant maire, Jacques Politi (DVD), lui avait enlevé ses délégations le trouvant trop proche de Jean-Pierre Giran, le maire LR actuel. Dont il est devenu l’adjoint à l’agriculture et aux espaces verts. Il symbolise à lui seul le jeu de chaises musicales qui s’opère à Hyères depuis les années Ritondale, figure hyéroise et maire de 1983 à 2008.
14h00
le Ravi s’installe à la table de presse. Echange de SMS et de regards peu discrets – et qui semblent nous concerner – entre Var-matin et la directrice de cabinet du maire, Caroline Giran. Cette dernière, fille de l’édile, est touchée par la loi qui encadre les emplois familiaux, et devra quitter son poste avant la fin de l’année.
14h02
L’ancien député LR, Jean-Pierre Giran, ouvre le conseil de sa voix grave et rocailleuse. Au dessus de lui, les portraits des présidents de la Vème République. Aux municipales, c’est grâce à son alliance avec la liste d’union du centre de Francis Roux (absent ce jour) – ancien premier adjoint de Ritondale – qu’il l’emporte au second tour devant Jacques Politi. Ce dernier était pourtant arrivé en tête au premier tour. Il siège désormais dans l’opposition.
14h08
François Carrassan, adjoint à la culture, lui aussi transfuge de Politi, col relevé et double menton, présente des partenariats culturels.
14h15
Adaptation de la zone agricole de l’île de Porquerolles. Brigitte Del Perugia, élue d’opposition écolo, trouve excessif que le zonage actuel protégé soit considéré comme « sclérosant ». « Ça c’est votre vocabulaire », note Giran avant de s’apercevoir que c’est bien le mot utilisé dans la délibération. Il s’en excuse et le trouve lui-même excessif. Contrairement à d’autres villes du Var, à Hyères, l’ambiance semble plutôt courtoise entre majorité et opposition. Del Perugia insiste sur le fait que Porquerolles doit rester un territoire protégé et « exemplaire ». Et si le zonage de Port-Cros est différent, elle souligne que ce dernier « travaille pour l’intérêt collectif alors que sur Porquerolles il s’agit d’intérêt particulier ». « Sauf à être ultra libéral, je pense que le Parc de Port-Cros mérite un intérêt particulier », poursuit-elle et propose que les viticulteurs de Porquerolles fassent du bio en contrepartie. Giran précise que la modification de zonage concerne uniquement le bâti. « Quand à la dimension ultra libérale, croyez-moi que je suis à vos côtés pour la combattre ! », conclut-il.
14h23
Bail emphytéotique concernant une copropriété. William Seemuler, PS-macroniste, interpelle le maire sur les mesures anti-spéculation indiquées par le rapport de la Chambre régionale des comptes et souhaite savoir ce qu’il en est. Giran explique le travail en cours et en oublie le vote concerné : « Je ne me rappelle plus de la délibération, mais qui est pour ? », poursuit-il. Rires dans la salle.
14h35
Débat et inquiétudes du FN et du groupe de Politi autour d’une subvention de 7000 euros à l’association Isa qui gère le centre social et culturel à la suite de l’association Amitié-Massillon, en liquidation pour mauvaise gestion. « On repart avec une vigilance totale », rassure le maire.
14h39
On poursuit avec une subvention au dispositif « Coup de pouce clé », qui aide les enfants de primaire en difficulté dans l’apprentissage de la lecture. « Nous sommes pour aider, nous ne sommes pas pour assister », lance Patrick Collet, groupe FN qui demande « des retours sur garantie », considérant que l’Education nationale ne fait pas son travail. « Dès que l’on touche à l’humain on n’est jamais garanti de retour sur efficacité », note Giran qui précise que « si la Politique de la ville n’existait, pas la situation serait beaucoup plus difficile ». Et d’insister : « Ça fait partie de la solidarité […] les personnes à qui l’on offre une aide à la parentalité, à l’écriture, etc. n’ont pas l’environnement culturel moyen que l’on peut attendre dans notre pays. Mais pour éviter qu’elles ne se marginalisent […] je crois qu’il est important de poursuivre cette opération. On a deux points de vue qui sont un peu différents… » Brigitte Del Perugia prend la parole pour féliciter la municipalité pour ce dispositif. « Je prends acte sans déplaisir ! », plaisante Giran. Et de rajouter : « On ne peut pas tout demander à l’Education nationale, car si on la transforme en formation citoyenne, on perdra sur les fondamentaux. Ne lui faisons pas porter tous les maux de la société […] Sinon, on va finir par transformer les enseignants en aides à domicile. » William Seemuler, ironise et propose à Collet « un petit coup de pouce » afin qu’il vienne sur le terrain constater le travail des enseignants.
14h50
Rapport du syndicat des communes du littoral varois. Del Perugia note que le budget du syndicat correspond essentiellement à des dépenses de réceptions, de voyages et d’indemnités. « Je me demande si les activités de lobbying de ce syndicat doivent être financées par le contribuable ? », interroge l’élue écolo. « Pas de commentaire de votre part ? », poursuit l’élue à destination du maire. « Mon non commentaire est un commentaire », conclut l’édile.
14h57
Di Russo présente le rapport d’activité du syndicat mixte de protection et de valorisation des forêts. Del Perugia l’interroge sur un montant de 24 960 euros énoncé par trois fois pour trois travaux différents. « Ça m’a paru étrange, mais je suis sûre qu’il y a une explication logique », s’excuse presque l’élue avant de rajouter : « Je les aurais posé en commission à Monsieur Di Russo s’il avait été là et je ne vous aurais pas embêtés aujourd’hui avec ces aspects techniques ». Brouhaha dans la salle. Di Russo vire au rouge, s’énerve et parvient difficilement à allumer son micro : « Vous avez des réflexions très désobligeantes ! », lance-t-il précisant que ce jour-là il avait dû soutenir son épouse hospitalisée. Giran tente de calmer le jeu : « Mais c’est gentil, calme-toi ! On sait ton attachement à la forêt. » « Il n’y a aucun reproche de ma part », s’excuse Del Perugia.
15h12
Dix minutes de pause avant d’entamer les « questions d’actualité », instaurées par Giran et qui tous les trimestres, à la suite du conseil, permettent à chaque groupe de poser les questions qu’il veut, en les déposant par écrit 48 heures à l’avance. Le groupe de Politi refuse d’y participer et quitte la salle.
15h30
La séance reprend. On y parle notamment tourisme et métropole. Le FN se fait rappeler à l’ordre parce qu’il pose trop de questions. Car en effet, tous les groupes ne sont pas égaux en nombre de questions et c’est de fait le plus important, soit la majorité, qui pose bien souvent le plus de questions… à la majorité ! Mais Giran de conclure : « C’est un bel exercice, un peu différent à chaque fois, mais c’est un moment important de démocratie locale… »
Samantha Rouchard
Article publié dans le Ravi n°156, daté novembre 2017