Même pas mort !
« le Ravi qui avait paru à un moment a disparu. » Nos lecteurs à l’écoute de France Info, le mardi 5 janvier, ont été quelques-uns à faire un bond au plafond et à nous adresser dans l’instant des messages indignés. C’est un « expert » comme on les aime, habitué des plateaux TV et des radios, auréolé du titre de professeur des universités à Paris-Sorbonne, directeur d’un master en « management de l’information », qui a lâché cette perle.
Patrick Eveno, le nom de ce « spécialiste » de l’histoire des médias, était invité à faire le point sur l’état de la presse satirique. Il ignorait donc que le Ravi parait depuis treize ans – un petit « moment » ! – et que s’il a failli disparaître fin 2014, il sort avec succès d’un redressement judiciaire, procédure qui se termine pourtant pour une entreprise sur deux par une liquidation. Une belle performance ! Le mensuel pas pareil de Paca est en capacité de rembourser ses dettes, renforce son équipe et sa pagination, expérimente des formules de journalisme participatif dans les quartiers, intervient en milieu scolaire pour initier les jeunes à la fabrique de l’information.
Nous avons doublé notre nombre d’abonnés en 2015. Mais la mobilisation pour convaincre de s’abonner 0.01 % des 5 millions d’habitants de Paca – 5000 personnes – n’en est qu’à ses débuts. Cet objectif permettrait de placer ce journal à l’abri des pressions économiques et politiques. Mais l’enjeu immédiat est d’inviter nos 1500 abonnés à nous renouveler leur confiance. Tout en poursuivant, avec l’association des Amis du Ravi, un travail de fourmis, faute de moyens marketing, afin de donner envie à d’autres de rejoindre les rangs de ceux pour qui un journal libre ne s’achète pas mais se finance…
L’expert de France Info s’est « excusé de (sa) bourde » en nous envoyant un… tweet. Pour un rectificatif à l’antenne, il ne faut pas trop espérer ! Patrick Eveno, frère de l’ancien PDG de l’AFP, promoteur du « prix du Crédit Lyonnais pour l’histoire d’entreprise », est en effet avant tout un pourfendeur des « corporatismes » et chante les vertus d’un marché dérèglementé de l’information. Selon lui, le problème principal que rencontre la presse en France c’est sa faible capitalisation et le manque de concentration…
Des aides : pour qui ? Pourquoi ? Comment ?
Au Dar Lamifa à Marseille, le 13 janvier, d’autres constats et d’autres propositions ont été formulés lors d’une soirée « pour une presse libre » à l’initiative de l’Acrimed, l’Observatoire indépendant des médias. Pierre Rimbert, rédacteur en chef adjoint du Monde Diplomatique y a exposé son projet pour financer une presse indépendante avant de dialoguer avec le Ravi, Marsactu, Radio Grenouille, et une salle bien remplie. Pour faire court, il appelle au remplacement du système moribond des aides à la presse afin de mettre en place un « service mutualisé d’infrastructures de production et de distribution de l’information ».
En attendant le grand chantier appelé de ses vœux par Pierre Rimbert, le bricolage législatif se poursuit. Le gouvernement a élargi ses aides ciblées à la presse d’information générale à faible ressource publicitaire mais a réservé le dispositif aux titres considérés comme « nationaux » : le Diplo va toucher de nouvelles aides et le Ravi et les autres « provinciaux », une fois de plus, devront patienter. Il y a encore du nouveau du côté de l’Etat : un fonds de soutien aux « médias d’information sociale de proximité » va être créé. Derrière cette appellation obscure, il s’agit d’une bonne nouvelle, celle d’une première reconnaissance des médias citoyens, comme le Ravi, impliqués dans des projets d’utilité sociale, de journalisme participatif, d’actions dans les quartiers.
Ce fonds, dont la mise en place a été différée suite au remaniement ministériel, devrait s’inspirer du FSER (Fonds de soutien à l’expression radiophonique) qui permet l’existence des radios associatives. Mais alors que le FSER s’élève à 30 millions d’euros, ce qui est déjà peu, le fonds pour « l’info sociale de proximité » serait seulement doté de 1,5 millions d’euros, ce qui n’est pas grand chose. Soit 7000 euros par an et par médias si 200 d’entre eux intègrent le dispositif. Pour mémoire, l’Etat distribue annuellement 1,6 milliards d’euros à la presse au bénéfice, pour l’essentiel, des grands groupes privés. On vous le dit, on se répète, mais c’est bien vrai : le meilleur soutien qui soit, ce sont vos abonnements.
Michel Gairaud
Article paru dans le Ravi n°137, daté février 2016