« Marseille Provence 2013 a permis la confiscation de la ville »
Pourquoi avoir choisi la gentrification comme thème principal de ton documentaire ? Les promoteurs et les politiques se sont servis de MP 2013 comme d’un cheval de Troie pour accélérer le refoulement des classes populaires du centre ville, et du port autonome de Marseille, vers les périphéries. Je voulais montrer comment MP 2013 a permis la confiscation de la ville par la bourgeoisie. Des quartiers entiers comme la Belle-de-Mai ont été vidés de leurs populations. Des zones urbaines de Marseille se sont coupées de leur histoire et de leur lien social. Les opérations immobilières ont fait augmenter considérablement le prix des loyers, les habitants de ces quartiers autrefois si vivants ont été contraints d’aller s’entasser dans les cités HLM du nord ou du sud de Marseille. Le centre ville et ses abords se sont aseptisés, pour le confort et la sécurité des classes aisées.
A quelles difficultés t’es-tu confronté ? Comme dit l’historien Alèssi Dell’Umbria « seuls des fascistes s’en prendraient à la culture ». Il a été très difficile de militer contre le processus de confiscation urbaine opéré avec MP 2013. A chaque fois, on nous plaçait dans la position d’ennemis de la culture. Mais de quelle culture on parle ? Une culture élitiste qui nous a cantonnés au rôle de spectateurs. Par exemple, quatre fêtes urbaines marseillaises ont été supprimées et le carnaval indépendant du quartier de la Plaine a été attaqué par la police.
Que réponds-tu à ceux qui disent : « ce qui profite aux riches, profite aux pauvres » ? Cela serait vrai si les richesses étaient redistribuées, or ce n’est absolument pas le cas. Les indicateurs sociaux montrent que notre société n’a jamais été aussi inégalitaire. Les investissements immobiliers et les aménagements urbains opérés à l’occasion de MP 2013 ne profitent aucunement aux classes populaires, mais seulement à ceux qui peuvent se payer les loyers désormais exorbitants du centre ville de Marseille.
Quelle est, selon toi, l’importance des médias alternatifs dans notre société ? Ils montrent une autre réalité. La presse n’a jamais été aussi concentrée dans les mains d’une poignée de grandes entreprises. Les médias traditionnels se contentent de répéter le postulat des grands patrons. Chez Primitivi, nous sommes entièrement indépendants. Nous apportons des informations sur ceux qui font vivre notre société. Nous parlons de nos vies, nos luttes, notre histoire, dans lesquelles la plupart des gens peuvent se reconnaître. Nous essayons, à notre échelle, de faire en sorte que chacun ait son mot à dire. Nous lançons ainsi un projet de « doctorat sauvage en médias libres » qui prévoit une série de conférences, de formations et de projets pour permettre aux classes populaires de produire du contenu informatif, à l’image de ce que nous faisons depuis 15 ans avec Primitivi.
Pourquoi, à ton tour, lever les bras pour le Ravi ? Ce que j’aime vraiment dans le Ravi, c’est le traitement de la politique locale, comment elle se fait, les différentes familles, le fonctionnement des bandes. J’y trouve de vrais articles de fond qui approfondissent ce que d’autres médias se contentent d’effleurer, et ce, même si je ne suis pas toujours en phase avec la ligne du journal.
Propos recueillis par Sylvain Labaune
Dates et lieux de projections : lafeteestfinie.primitivi.org