Ma petite entreprise… prospère sur la crise
« Vérifiez la santé financière de votre entreprise !» scandait un slogan des années 90… Depuis novembre, celle du Ravi est sous perfusion puisque l’association La Tchatche, qui édite le mensuel le Ravi, est en redressement judiciaire. Mais lorsque l’on consulte la « looongue » liste des entreprises dites « en défaillance » en région Paca, on se sent moins seul ! En 2014, environ 550 procédures par mois ont été ouvertes auprès du TGI (pour les associations) ou du Tribunal de commerce (pour les autres), sauf en août et décembre, période de vacances pour les tribunaux où l’on tombe à 140. La grande majorité (90 %) va directement en liquidation comme récemment le centre d’accueil des Baumettes, le restant se divise en redressements judiciaires comme c’est le cas pour la SNCM, ou encore le Ravi. Et enfin une minorité passe en sauvegarde avec repreneur, comme ce qui est proposé à La Marseillaise actuellement. En 2013, 6 280 entreprises ont cessé leur activité en Paca (Insee).
Business is business
On peut s’en émouvoir mais pour Maître Michel Gillibert, administrateur judiciaire à Marseille depuis 1981, « la liquidation c’est le moyen d’éliminer quelqu’un qui n’est pas rentable. Et dans une économie libérale et bien il faut qu’il y ait des liquidations ! ». L’administrateur et le mandataire judicaires sont des mandataires de justice, sorte de Docteur Jeckyl et Mister Hide du redressement judiciaire ! Nommé par le juge, le premier aide l’entrepreneur à construire un plan de redressement pour sortir la tête de l’eau mais tout en prenant la main sur les comptes. Alors que le second paie les créanciers et se transforme en liquidateurs si besoin. le Ravi a pour obligation de provisionner 500 euros par mois auprès de la caisse des dépôts pour l’administrateur et le mandataire a fait parvenir une première facture de 3000 euros… autant dire des broutilles quand une trésorerie est à sec ! Mais que l’entreprise renaisse de ses cendres ou meure, le tarif est le même. Pour Me Gillibert, la critique est un peu facile : « Ça n’a rien de drôle de licencier tout le monde à moins d’être un pervers ! On vit parfois des situations humaines très difficiles. » Mais lorsqu’ on lui demande de nous communiquer son chiffre d’affaire, ce dernier refuse (1).
Pas partageurs
En Paca, seulement neuf cabinets d’administrateurs (dont deux à Marseille) et 25 cabinets de mandataires se partagent le marché des entreprises en crise, un marché qui justement grâce à la crise, lui ne l’est pas ! (2) Alors lorsque la Loi Macron propose de« fusionner» les mandataires de justice avec les huissiers, commissaires-priseurs ou notaires pour constituer une seule « profession de l’exécution », ils voient rouges et descendent dans la rue « C’est une hérésie ! On ne fait pas du tout les mêmes métiers !», lance Me Gillibert qui reconnaît tout de même la nécessité de cabinets plus structurés intervenants sur plusieurs tribunaux pour éviter « un monopole dangereux ».
C’est Arnaud Montebourg qui en 1998, alors député PS, a le premier pointé dans un rapport parlementaire l’obligation de « redresser » des professions « au centre de jeux d’intérêts propices à l’apparition et au développement de la corruption ». La reprise en main des tribunaux de commerce par des juges professionnels et non plus par des chefs d’entreprise jugeant d’autres chefs d’entreprise (conflits d’intérêt) était l’une de ses mesures phares jamais appliquée mais dont l’idée est relancée aujourd’hui. Un échevinage qui inquiète les juges consulaires…
« Des véreux ? Il doit en exister mais je n’en connais pas », précise Me Gillibert. Du côté du Tribunal de commerce de Nice (3), il semblerait pourtant y avoir quelques dysfonctionnements… En 1999, des condamnations pénales ont été prononcées dont celle de l’ancien juge consulaire Claude Boutteau à deux ans de prison ferme pour corruption passive et favoritisme. Des pratiques qui seraient loin d’avoir disparu si l’on en croit le dossier qu’Anticor 06, association de lutte contre la corruption, et l’avocat attaché au barreau de Corse des plaignants (le seul à avoir accepté de les défendre) ont remis en novembre dernier à Christiane Taubira, ministre de la justice concernant les liquidations frauduleuses qui auraient cours depuis vingt ans. Des liquidations pourtant invalidées après des années de machinerie judiciaire par la cour d’appel d’Aix ou la cour de cassation mais qui entre temps ont ruiné les vies de commerçants, dont cinq se seraient à ce jour suicidés.
Samantha Rouchard
1. Un mandataire de justice gagne entre 200 et 300 000 euros par an.
2. Sollicité, l’administrateur judiciaire, M° Avazeri, en charge du redressement judiciaire de la Tchatche n’a pas souhaité s’exprimer dans nos colonnes pour éviter « un conflit d’intérêt ».
3. Fabien Paul, actuel président du Tribunal de commerce de Nice n’a pas donné suite à notre demande d’interview.