L’ombre de Pizzorno plane sur Falco
« Contrairement à la présentation qu’en a faite Hubert Falco à son conseil municipal, le rapport relève un certain nombre de constats d’irrégularités. » En bon magistrat, Louis Vallernaud, président de la Chambre régionale des comptes (CRC), est un poil tatillon : il refuse qu’on prenne les enfants du bon dieu pour des canards sauvages et ses rapports pour ce qu’ils ne sont pas, des blancs-seings par exemple.
Rendu public le 11 avril, celui sur la gestion de Toulon entre 2009 et 2013 relève en effet quelques perles. Notamment les conditions d’attribution en 2011 à Pizzorno, le « roi des ordures du Var » (Cf le Ravi n°122), d’un marché de collecte de déchets et de nettoiement pour un coquet montant de 117 millions d’euros. Les magistrats s’interrogent sur les raisons qui ont poussé la collectivité à ne pas exciter la concurrence en allotissant le marché. Ils s’étonnent surtout, dans leur sabir très pudique, d’une « ouverture des plis laborieuse. » La partie la plus croustillante…
Offre rejetée puis repêchée
Tout se joue en une petite dizaine de jours. Le 14 décembre 2010, la commission d’appel d’offre (CAO) rejette l’offre de Pizzorno au motif que « les pièces de la candidature et l’acte d’engagement n’ont pas été signés électroniquement ». Mais dès le lendemain, la ville demande une analyse juridique sur la candidature électronique du groupe (remise en 24h, elle lui est favorable). Mieux, le 16, elle reçoit du « roi des ordures » un mail adressé à Hubert Falco, et posté la veille, « pour évoquer le processus de signatures électroniques » de son dossier et « la méthode à suivre pour [les] vérifier ». Précision utile : à cette date, la CAO en est encore à rédiger le courrier lui signifiant le rejet de sa candidature…
Nouveau miracle ! Une semaine plus tard, Pizzorno est remis dans la course par la CAO et enlève le marché fin avril 2011. Conclusion du rapport : « En définitive, il ne peut qu’être constaté que le marché a été attribué à l’entreprise [dont] la candidature n’avait pas été acceptée. » Au passage, les magistrats notent une autre curiosité : « […] Il paraît très probable qu’une fuite regrettable d’informations a eu lieu, qu’elle provienne d’un membre de la CAO ou […] d’un agent de la commune […]. » Ça sent mauvais dans les poubelles d’Hubert Falco…
Dans sa réponse à la chambre, le sénateur-maire jette justement les remarques au vide-ordures : « La ville de Toulon n’a fait que neutraliser une anomalie de pure formalité créée par les insuffisances réglementaires », « […] l’année 2010 [ayant] été une étape importante de la réglementation de la dématérialisation ». De son côté, la chambre se préserve bien d’employer des mots désobligeants. Son président assure même au Ravi, « qu’il n’y a pas de gravité particulière » et se « refuse à des propos à portée transversale »…
Curieuses coïncidences
Difficile pourtant de ne pas faire le rapprochement avec d’autres histoires récentes. Selon Mediapart (09/10/2013), depuis deux ans, la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille a ouvert une enquête préliminaire sur des soupçons de favoritisme dans l’attribution au même Pizzorno du marché de l’incinérateur de Toulon (470 millions d’euros) par la communauté d’agglomération Toulon Provence Métropole, une collectivité présidée par un certain Falco Hubert. En novembre 2014, le groupe a, de plus, été définitivement condamné à près de 800 000 euros d’amendes pour avoir déversé illégalement 80 000 tonnes de mâchefers issus de l’incinérateur d’Antibes dans une décharge de Bagnols-en-Forêt.
Surtout, trois jours après la publication du rapport de la Chambre régionale des comptes sur la gestion de Toulon, Mediapart a révélé les bonnes feuilles d’un document provisoire de la même CRC sur la gestion des déchets dans le Var. Y sont pointées les mauvaises pratiques de Pizzorno et ses relais politiques dans l’est du département. S’y trouve une anecdote qui rappelle curieusement les tribulations de l’attribution en 2011 par Falco du marché de collecte de déchets et de nettoiement au « roi des ordures ». En 2013, trois maires de l’est varois, dont Georges Ginesta, député-maire de Saint-Raphaël et président de l’UMP du Var, membres du Smiddev [le syndicat mixte du développement durable des communes de l’est-Var, Ndlr], qui a également les honneurs du pré-rapport, se sont opposés, en vain, à l’attribution à un concurrent de Pizzorno d’un marché de collecte sélective. Tant de sollicitude serait très émouvante si elle n’interrogeait pas…
Jean-François Poupelin