Logement : do it yourself !
Se loger, quand on est à la rue, c’est la quadrature du cercle. Ça tombe bien : Gilbert Pinteau, il est à la fois rond et carré. Et la rue, il connaît. « J’y ai passé douze ans, assure-t-il. Ce n’est pas parce qu’on est à la rue qu’on est sans droits. Mais dans les structures d’hébergement, nos droits, c’est trop souvent la dernière chose qui les préoccupe. » Alors, avec deux autres compagnons d’infortune, Gilbert a créé en 2011 le collectif des SDF de Lille (1). « Sur un coup de colère, raconte-t-il. On était hébergé dans un centre. Ça s’est mal passé, on s’est fait virer. »
Retour à la rue. Avec l’envie d’en sortir. Et de s’en sortir. D’où ce collectif de SDF pour les SDF. Dont le but premier est de les aider à trouver un toit. « Bon nombre de structures attendent que les personnes soient relogées en HLM, constate-t-il. Sauf que tant que la politique du logement sera ce qu’elle est, on restera dans l’impasse. Il n’y a pas assez de places pour tout le monde. » D’où l’idée de solliciter les bailleurs… privés. Sur des sites comme « le bon coin ». Et ça marche ! « Depuis 2011, alors qu’on a commencé sans local, sans argent, on a réussi à reloger 180 personnes. Sans aucun retour à la rue ! »
La méthode, elle est simple. Comme l’explique Rémy, éducateur qui épaule le collectif, « on organise une permanence dans un accueil de jour mais on organise également une maraude. Ce qui nous permet d’aller à la rencontre de ceux qui ont besoin d’un toit ». L’important, ajoute-t-il, « c’est que la personne fasse les démarches elle-même. Certes, on est là pour l’épauler et l’on visite au préalable les appartements pour ne pas tomber sur des logements insalubres. Mais c’est la personne qui choisit elle-même son logement, qui appelle le propriétaire, qui le visite. Et le bail qui est signé est à son nom. Après, c’est le collectif qui négocie avec le propriétaire pour qu’il fasse preuve de patience les premiers mois, le temps que les aides arrivent. » D’où la mise en place par le collectif pour les locataires de « colis alimentaires » voire d’un « accompagnement social si la personne le souhaite ».
Au-delà, comme le souligne Gilbert, « les personnes qui bénéficient de l’aide du collectif en deviennent membres à part entière. De fait, on n’a même pas besoin de le demander. Les personnes que l’on aide sont les premières à nous demander comment rendre la pareille. » Ce qui permet, note Guillaume, en charge du pôle « bénévolat », de les « mettre à contribution. Notamment pour les maraudes. Mais aussi pour des rencontres que l’on organise régulièrement. Cela renforce la cohésion et permet aux gens d’échanger entre eux plutôt que d’avoir affaire à des travailleurs sociaux. » Et même d’aller au-delà de la simple question du logement puisque, dernièrement, le collectif a organisé « une sortie en mer »…
Certes, comme le reconnaissent les membres du collectif, celui-ci ne peut apporter son soutien qu’à ceux qui « peuvent bénéficier d’un certain nombre d’aides, comme le FSL (2). Concrètement, on ne peut pas aider ceux qui n’ont pas droit au RSA ou qui n’ont pas de papiers ». Mais, malgré les difficultés, notamment financières, le collectif n’en fait pas moins des petits. Comme à Marseille où « les diplômés de la vie » (3), le collectif des SDF de la cité phocéenne, a vu le jour l’été dernier et a déjà réussi à reloger une douzaine de personnes !
Sébastien Boistel
1. 06 46 42 90 25 – collectifdessdfdelille@gmail.com
2. Fonds de solidarité pour le logement
3. Permanence les vendredis matins à la maison-relais Claire Lacombe, 19 rue de l’Arc, 13001 Marseille. Contact : lesdiplomesdelavie@gmail.com