L'envers de la liste
Ça a été un des signes des défaites annoncées de la gauche aux municipales à Marseille en 2014 et aux régionales de 2015. Un candidat écarté de la constitution de listes de certains secteurs dans le premier cas ; un marchandage sans fin entre les différentes chapelles socialistes pour sauver les meubles et surtout des proches dans le second. La constitution d’une liste électorale peut en effet parfois virer au cauchemar.
Mais pas toujours. En général, celle du premier tour se monte dans l’euphorie. « En 2014, on avait une centaine de noms. Baldo avait largement gagné la primaire socialiste, c’est donc lui qui compose la liste initiale« , se souvient Lucien-Alexandre Castronovo, son colistier, aujourd’hui élu d’opposition à Aix-en-Provence. « [En la matière], il y a deux écoles, précise Olivier Bettati, candidat LR dissident à Nice en 2014, face à Christian Estrosi. La liste avec des partis officiels, qui discutent entre eux du nombre de postes dans un marchandage pas très glorieux. » Et le conseiller régional d’extrême droite, élu en 2015 sur la liste de Marion Maréchal (nous voilà), de poursuivre : « Plus atypique, c’est ce que j’ai fait il y a 5 ans, le fruit de 20 ans de travail, de copains, d’ennemis de mes ennemis. » Soit une curieuse salade niçoise prête à tout pour défaire « Motodidacte » : des anciens membres de sa majorité, des élus de gauche, des universitaires, des avocats, des personnalités de la culture, des représentants d’associations de rapatriés, etc. En fait, une photo de Nice. Lucien-Alexandre Castronovo préfère de son côté parler de « panel électoral local« .
« Le lundi matin, on tue… »
Maire PS du Puy-Sainte-Réparade dans le Pays d’Aix-en-Provence depuis 2008, Jean-David Ciot regarde lui « les gens qui sont sensibles à l’intérêt général et qui sont disponibles« . Mais pas que : « Pour 2020, je vais changer presque la moitié de mes élus, pour une question d’âge et parce qu’il y a besoin de renouvellement. Un élu local fait le même boulot que le maire, mais sans la reconnaissance et avec les emmerdes en plus« , plaisante l’ancien premier secrétaire du PS des Bouches-du-Rhône. Et d’assurer qu’en tant que maire sortant, il n’a pas de mal à recruter : « Le plus difficile, c’est de dire non. Il y a de la déception, il y a donc un gros travail de communication pour rappeler que le projet est une une réflexion collective, qu’on a besoin de tout le monde pour le construire. Il faut réussir à garder cette dynamique. »
Même souci, mais technique très différente pour le niçois Bettati : « Une campagne c’est toujours une très belle aventure humaine, mais il vaut mieux attendre pour présenter sa liste. Comme ça, on voit qui se défonce ou pas. » Et de s’amuser : » Il y a toujours une part de fantasme en politique, c’est le syndrome de la Safrane : les contacts avec les journalistes, avoir sa tête sur les tracts et les affiches. A la fin de la campagne, tout le monde veut être dans la bagnole de la tête de liste. »
Les soucis arrivent donc souvent après le premier tour. Elu depuis 1983 sur des listes de gauche, deux fois dans la majorité mais le plus souvent dans l’opposition, Lucien-Alexandre Castronovo rappelle ainsi qu’en 2014 sa liste a refusé de fusionner avec celle du centriste François-Xavier de Peretti. « Il avait des exigences inacceptables : la moitié des postes en cas de victoire alors que sa liste n’avait fait que 8 % contre 29 % pour la nôtre et la présence d’un mis en examen. » Et d’assurer : « Ça aurait pu être un motif de dissidence interne. » Résultat, l’éternelle et inénarrable Maryse Joissains est réélue haut la main.
« La fusion, c’est plus compliqué, reconnaît Olivier Bettati avec son art de la métaphore. Le dimanche soir (du premier tour) les têtes de liste se parlent, le lundi matin on tue, le lundi après-midi on annonce les morts et le mardi on leur cherche des portes de sortie pour qu’ils ne partent pas en face ! » Et de rigoler : « Le dernier endroit où l’on meurt politiquement, c’est à la préfecture, lors du dépôt des listes. Il y a toujours des ajustements.«