« L’humour c’est important face à la gravité »
Tu lances sur Youtube la saison 2 des « Débats d’idiot ». D’où est venue cette idée ?
« J’ai vu l’explosion du phénomène des Youtubeurs, vers 2012-2013, avec à chacun sa façon de faire, son style, beaucoup de jeunes avec des thématiques très différentes les unes des autres. J’ai pris conscience petit à petit qu’il y avait moyen de faire passer des messages par ce format.
Il y a un an je me suis décidé, j’ai passé plusieurs mois à essayer d’écrire différemment pour trouver une autre écriture, ce n’était pas simple. Au bout d’un moment je me suis lancé. Une fois que mes vidéos sortaient et que je voyais ce qui plaisait le plus aux gens, ce qui marchait moins bien, comment aborder les différentes thématiques, j’ai beaucoup plus appris dans le feu de l’action. »
Pour la poignée d’ignorants qui ne connaissent pas encore Duval MC, est-ce que tu pourrais un peu revenir sur ton parcours ?
« J’ai grandi à Fos-sur-Mer (13), dans un milieu industriel entouré d’usines, avec beaucoup de pollution. Partout où j’ai été scolarisé que ce soit à Fos ou à Martigues (13), j’ai toujours vu beaucoup de problèmes de santé autour de moi, ça m’a donné envie d’écrire.
Ensuite j’ai fait pas mal de théâtre à Montpellier pendant quatre ou cinq ans et j’ai eu envie de me lancer dans la musique quand je suis revenu à Marseille en 2003. J’ai alors sorti un CD du graveur, imprimé au système D, puis je l’ai donné à tous les professionnels que je croisais. Je me suis fait un peu connaître par le milieu musical marseillais comme ça. Assez rapidement j’ai rencontré pas mal de monde, Massilia, IAM et j’ai commencé à jouer un peu partout à Marseille, dans toutes les petites ou moyennes salles.
J’ai fait mon petit parcours en dix ans de musique actuelle à travers des réseaux alternatifs, anti-nucléaire, anti françafrique avec l’association SURVIE, beaucoup de choses liées à l’écologie et à l’Afrique. J’ai aussi réalisé beaucoup d’ateliers d’écriture dans les centres sociaux, dans les quartiers populaires notamment sur Arles, et un atelier rap deux fois par semaine pendant trois ans dans un accueil de jour à Marseille où les gens venaient de la rue, ça m’a beaucoup apporté humainement. »
Le rap est-il toujours d’actualité pour toi ?
« Aujourd’hui, mon activité principale est toujours liée à la musique. J’ai fait deux albums « Matières Premières » et « Etat Second ». Je suis de la génération Fonky Family, j’ai grandi dans le rap. C’est un format musical qui a l’avantage de laisser la place pour dire beaucoup de choses. Comme j’aime aborder des sujets qui nécessitent de dire pas mal de choses, j’y suis allé naturellement.
En ce moment j’ai beaucoup de travail par rapport aux Débats d’idiot puisque je lance la deuxième saison. La première vidéo est sortie fin septembre, elle parle de frigos. Le format a un petit peu évolué, il est un peu plus long mais je ne vais sortir plus qu’une vidéo par mois. Et puis en 2016, je vais revenir sur le chantier de Duval MC avec un troisième album. J’ai très envie de faire à nouveau du rap… »
Quels engagements te tiennent particulièrement à cœur ?
« Un jour je me suis plongé dans l’histoire du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, j’ai lu une quinzaine de bouquins à ce propos et j’ai vu pas mal de films et de documentaires pour essayer de comprendre. Ce sujet m’a particulièrement touché et cela me tient à cœur d’essayer de faire entendre dans le débat, l’histoire de ce qui s’est passé là-bas et l’implication française dans tous ses aspects. Ça été l’une des premières causes que j’ai défendue.
C’est un peu bizarre parce que je pense vraiment que la dérision et l’humour sont très importants, que ce soit dans le rap ou ailleurs, mais c’est justement parce que je m’attaque à des choses graves qui peuvent faire peur que j’ai encore plus besoin de trouver des ressorts humoristiques et des approches décalées. Tu peux dire beaucoup de choses avec des petites phrases en passant, ce que j’essaye de faire dans les Débats d’idiot. »
Par quels médias t’informes-tu ?
« Je suis un grand consommateur de petits médias, même si ce n’est pas le mot puisque on ne consomme pas un journal on finance son indépendance ! Je suis abonné ou j’achète régulièrement dans les kiosques CQFD, le Ravi, La Décroissance, Fakir et je suis assez proche des gens de S!lence. Je me nourris essentiellement de petits journaux de ce type, et quand je dis « petits » c’est évidemment dans le bon sens du terme.
Il y a d’ailleurs beaucoup de morceaux de rap que j’ai écrits à la suite d’un article lu dans ces journaux. Pour moi l’article de journal c’est un petit peu entre le livre et le morceau de rap, il y a un effort d’écriture pour synthétiser, sourcer les informations et axer selon un point de vue. Ca me donne parfois l’idée de prendre un axe différent pour traiter un sujet. »
« J’apprécie beaucoup le Ravi pour son travail d’investigation, notamment avec ses articles d’immersion dans les conseils municipaux, d’autres par rapport à l’extrême droite ou à la corruption et aussi ceux qui parlent des autres coins de notre vaste région comme Orange ou Bollène.
J’invite d’ailleurs les lecteurs du Ravi à regarder les Débats d’idiot, à s’y intéresser y compris dans les manquements qu’il peut y avoir parce que le but est de lancer le débat en échangeant sur les commentaires, c’est très important. Il y a un petit espace démocratique qui se joue sur ce nouveau format et ça peut être intéressant politiquement. C’est du ressort du collectif d’essayer de dire et de débattre sur de plus en plus de choses, et dans collectif j’inclus évidemment le théâtre, le cinéma, les documentaires, les blogs et bien sûr les journaux… »
Propos recueillis par Isabelle Rolin