« L’éternel est une nouille trop cuite » (enseignement du Boudha)
Il y a quelque chose de beau à regarder un enfant bouffer un hamburger. Je me souviens de la flamme qui m’animait la première fois que j’en ai tenu un dans mes mains. La flamme de la transgression. On m’avait tellement rabâché que c’était mauvais pour la santé que j’en salivais de plus belle. Et quand j’ai planté mes dents dans le bigmaque, un vent de liberté m’a décoiffé les papilles. La sensation de faim presque immédiate après le léger dégoût qui accompagne le derniers tiers était aussi un régal de frivolité. « Non seulement c’est dégueulasse, mais en plus ça sert à rien… Comme la vie est belle ! », pensais-je en léchant mes mains pleines de ketchup à la manière de Barbe Rousse après un abordage particulièrement sanglant.
Aujourd’hui quand je sors de mes cuisines végétariennes, paysannes et locales, après un petit consommé de légumes et quelques flans de carottes en sauce à l’oseille, il m’arrive de fureter dans la ville à la recherche d’un parfum spécifique : la viande, la côtelette, la saucisse, l’alouette, la brochette, le barbeuque, le sang, le pâté, la biche, l’odeur des fonds de caverne dans lesquels les cro-magnons bouffaient la bidoche, avidement, comme des cinglés, comme s’ils bouffaient leur frère. Et je me retrouve invariablement en train de me becqueter un bon gros kebab des familles et la sauce me coule le long des coudes et, même si parfois les frites sont molles et ont un goût de carton, je dois avouer qu’au fond de moi la satisfaction générée par cet acte de trahison est vertigineuse et me fait du bien.
Or, cher lecteur qui m’accompagne, si tu en es arrivé à ce point de la lecture, tu dois te demander comment faire. Quelle est l’issue ? Si transgression et trahison sont les mamelles de la liberté alors jamais nous ne sauverons le monde avec des casseroles. L’univers peut bien s’écrouler dans un bruit de vaisselle pétée. Cuisiner et résister sont incompatibles puisqu’aucun pont entre ces deux termes n’est visible et que cette chronique touche à sa fin. Eh bien, sache que je ne désire pas te faire languir plus longtemps et que la vérité va te sauter au visage lorsque tu découvriras la recette du mois.
Pierrick – Le Grain De Sable