Les vilains petits canards
Juif, athée et antisioniste
« Pour la communauté juive de Marseille, cela ne fait aucun doute que je suis un traître », explique Pierre Stambul, vice président de l’Union juive pour la paix (UJFP) militant pro-palestinien, pour le boycott d’Israël et antisioniste. « Je les ai toujours ignorés. Je suis athée, je ne fréquente donc pas les cercles religieux, poursuit-il. Et en tant qu’antisioniste, je ne suis pas dans leur cercle de propagande. » Pendant longtemps, de par son statut de fils de déporté résistant, il était inattaquable, « aujourd’hui, ils n’en ont rien à faire », souligne-t-il.
Le militant est souvent la cible de dénonciations calomnieuses de la part d’activistes sionistes israéliens, comme Ulcan, et cela va parfois très loin. En 2015, il se retrouve en pleine nuit face au Raid qui après avoir défoncé sa porte, puis l’avoir menotté et violenté, le met en garde à vue pendant sept heures. « Tentative d’assassinat sur son épouse » est la raison invoquée, alors que cette dernière dort paisiblement à côté de lui. Un très mauvais canular…
« Simone de Beauvoir m’a sauvée »
« Tout ce que j’avais toujours voulu fuir m’attendait à l’aéroport. » Rougina Maurice, 31 ans, naturalisée depuis quelques mois mais égyptienne d’origine, se souviendra longtemps de son arrivée à Marseille comme assistante de langue, il y a une dizaine d’années. « Mon père avait prévenu la communauté copte de mon arrivée, l’horreur ! Deux popes, soutane noire et grosse croix autour du cou, accompagnés de fidèles m’attendaient à la descente de l’avion ! », raconte la jeune femme qui en rit aujourd’hui. Au Caire, son père est très impliqué dans la communauté. Si Rougina et ses sœurs suivent une éducation en institution catholique et en langue française, c’est pour être « plus crédibles sur le marché du mariage. En Égypte, une femme qui parle français est perçue comme plus délicate, c’est une sorte de femme-poupée ».
Oui mais voilà, Rougina découvre Simone de Beauvoir… « C’est ce qui m’a sauvée », sourit-elle. À 14 ans, elle refuse d’aller à la messe. Dans la famille, son père est critiqué par ses frères qui sous-entendent qu’il ne sait pas tenir ses filles. Ses études terminées, Rougina sait que l’issue fatale c’est le mariage. En Égypte, la femme copte a peu de droits et surtout pas celui de divorcer… Éprise de liberté, elle décide de partir étudier à l’étranger…
Elle n’est pas retournée dans son pays depuis des années, mais elle communique avec son père régulièrement par Skype : « Il me cherche toujours un mari, copte bien sûr, chaque semaine il m’en trouve un nouveau ! », ironise-t-elle. Au fond d’elle, elle sait qu’il est heureux de la savoir heureuse, même si c’est loin et célibataire. Sa mère, elle, ne lui parle plus depuis deux ans : « Elle me renvoie toute la honte qu’elle subit. Elle m’a dit que je mourrai seule et que personne ne viendrait sur ma tombe… »
Émancipée du regard des autres
« Au début on était très pieux avec mon mari, et puis un jour on s’est avoués mutuellement qu’on buvait de l’alcool », sourit Sara A. en reprenant un bout de sa crêpe au chocolat en plein après-midi de ramadan. « Je le fais deux jours et après ça me saoule », avoue celle qui a quand même inscrit ses enfants à l’école coranique le mercredi « pour faire plaisir à mon mari qui est plus attaché aux traditions que moi ». D’origine comorienne mais née en France, Sara a 31 ans, assistante commerciale de profession, elle est aussi professeur de twerk par passion.
« Plus jeune, j’ai toujours tout fait dans les règles, explique-t-elle. J’ai choisi un homme du village pour faire plaisir à mes parents, très actifs dans la communauté et qui me promettaient un « grand mariage » (1), qu’ils ne m’ont jamais payé d’ailleurs… souligne-t-elle. Et puis il y a trois ans, j’ai décidé de m’émanciper et de vivre pour moi, en me fichant du regard des autres. J’ai réalisé aussi que la femme n’était pas considérée à sa juste valeur dans la communauté comorienne. »
Elle en veut pour preuve le pouvoir décisionnaire que le « grand mariage » donne à l’homme « là où la femme doit se contenter de broutilles. Alors que nous aussi on a une place à prendre et des choses à dire ». Sara qui essaie de transmettre ce message à sa fille. Et constate aussi que, contrairement à elle, sa sœur aînée, « après une jeunesse débridée », s’est rapprochée de la communauté en se voilant. Ce qui la fait sourire : « Il faut croire que le diable a changé de corps ! »
1. Ou « Ada ». C’est un rite de passage très important chez les Comoriens qui économisent plus pour cet événement que pour un voyage à la Mecque.