Les quartiers Nord au delà des fantasmes
Daouda, Fays, Kharym et Chadali, ont vingt ans. Ils sont français d’origine comorienne et ont grandi à La Busserine, dans les quartiers Nord de Marseille. Fanny Fontan et Romain Fiorucci les ont suivis pendant une année. Et pas n’importe laquelle ! Celle de la Présidentielle où certains d’entre eux votent pour la première fois… Tout un symbole pour ces enfants de la République que la société renvoie sans cesse à leur identité. Ce documentaire laisse la parole à une jeunesse fantasmée et trop souvent stigmatisée. Daouda et ses potes s’en emparent avec brio pour donner à voir la réalité.
Pourquoi ouvrir le film sur les toits de la cité ?
Romain Fiorucci : C’est un clin d’œil à Chouf de Karim Dridi tourné à La Busserine. Mais c’est surtout un choix, celui de prendre de la hauteur. Lorsque tu es sur les toits, tu vois la mer et tout Marseille, alors qu’au bas des tours il n’y a pas d’horizon. Symboliquement c’est voir plus loin, parler d’avenir.
Comment avez-vous tissé le lien avec les jeunes ?
Fanny Fontan : On les a rencontrés en 2013. On faisait alors un film sur la fracture Marseille nord-sud. Daouda animait des ateliers d’écriture au centre social l’Agora. À l’époque ils avaient un collectif, La Relève. On venait les filmer un week-end sur deux. Après ça, nous avons continué à nous voir : un coup à la Busserine, l’autre dans le centre-ville.
R. F. : On a du affronter chez eux une véritable méfiance envers les journalistes. Ils en ont une image négative et à juste titre. Ce sont des gamins, même s’ils ne le montrent pas d’emblée, qui ont un vrai besoin de reconnaissance. Que des gens extérieurs à la cité s’intéressent à eux, c’est important. À force de nous voir, ils ont compris qu’on ne voulait pas donner une image faussée et, petit à petit, ils nous ont laissés les approcher et entrer dans leur univers.
Qu’ont-ils pensé du film ?
R. F. : Jusqu’à la fin, ils n’ont pas compris pourquoi on faisait un film sur eux. Ils mésestimaient énormément leur parole alors que nous, on la trouve extraordinaire ! Ce sont des gamins qui s’expriment de manière très pertinente. Leur réalisme, leur façon d’analyser la religion, la politique aussi, c’est ce qui nous a plu chez eux.
F. F. : Ils ont ri pendant tout le long de la projection, mais lors du passage sur les règlements de compte, ils se sont tus. Je pense qu’à ce moment-là, il y a eu comme un effet miroir et ils ont pris conscience que leur quotidien n’est pas ordinaire. Dixon, à qui on dédie le film, et qui n’a pas pu y participer à cause du décès de son frère, évoqué dans le documentaire, est venu à la projection. On appréhendait sa réaction et il nous a remerciés d’avoir parlé de la violence. Pour lui c’est un moyen de faire avancer les choses.
Propos recueillis par Samantha Rouchard
Entretien publié dans le Ravi n°154, daté septembre 2017
« Quartiers Nord, au-delà des tours », écrit et réalisé par Fanny Fontan et Romain Fiorucci. Diffusion sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’azur ce lundi 25 septembre après le Soir 3 vers 23h30. Et en replay payante sur le site de France 3 ici…