Les maires ont le rythme (scolaire)… ou pas !
« Gaudin recule toujours, mais cet accord c’est pourtant lui qui doit le conclure ! », s’agace Morgane Turc, élue d’opposition (PS) du premier secteur. Déléguée aux écoles, elle parle de la réforme des rythmes scolaires (semaine de 4,5 jours et organisation d’un temps périscolaire) rendue obligatoire en septembre 2014 et dont le maire UMP de Marseille ne veut pas. Jean-Claude Gaudin en conteste le coût trop élevé qu’il chiffre à 25 millions d’euros par an. Argument que Vincent Peillon, le ministre, démonte en affirmant que la première année, grâce au fonds d’amorçage, la facture avoisinerait plutôt les 4 millions d’euros, puis maximum 10 millions d’euros par année pour la suite.
Cette réforme qui concerne les écoles maternelles et primaires, dont les mairies sont responsables, risque bien de devenir un enjeu électoral. Elle arrive pile poil pour un Gaudin qui espère surfer sur l’hostilité d’une majorité d’enseignants au projet de loi imposé par Peillon et faire ainsi oublier ses dix-huit ans d’immobilisme en matière d’accueil des jeunes à Marseille (lire encadré). Patrick Mennucci (PS), qui fait de la jeunesse le thème principal de sa campagne, joue à l’inverse les bons élèves. « On appliquera la réforme c’est ce que nous faisons déjà sur l’accueil du 1-7. L’école sera le premier budget c’est un engagement prioritaire », précise Morgane Turc. Jean-Marc Coppola, candidat du Front de Gauche est nettement plus distant avec le projet gouvernemental. Selon lui, Marseille ferait mieux avant tout de pallier le manque d’écoles et de résoudre leur vétusté : « Si la réforme est mise en place en 2014 ce sera forcément de façon abominable. Nous voulons abroger le décret et créer des Etats généraux de l’école pour donner la parole à tous les acteurs locaux».
Les chahuteurs…
Des états généraux de l’école ont justement été organisés, en septembre dernier, par l’équipe de campagne de Cécile Helle, candidate PS à Avignon. « On a fait des propositions et la mairie actuelle a pris peur. Elle a changé son fusil d’épaule et s’est mise à organiser à son tour des réunions consultatives», précise Chantal Lamouroux, élue PS d’opposition chargée de l’éducation pour la campagne. Les socialistes avignonnais restent très critique sur la « réforme à moindre coût » que Marie-Josée Roig (UMP) met selon eux en place : plus proche de la garderie que d’une ouverture au périscolaire. De quoi donner de l’eau au moulin du programme de Cécile Helle. A l’inverse, à Toulon, où le périscolaire existe déjà, la réforme Peillon ne sera pas, pour Robert Alfonsi, le candidat PS, un enjeu de campagne : « Le fait que la mairie ait demandé un peu plus de temps n’est pas choquant puisque La Seyne, qui est de gauche, a fait de même. Il ne faut pas sauter sur tout ce qui bouge. L’important c’est que cette réforme soit correctement appliquée. »
Du côté des syndicats enseignants la grogne se fait encore sentir – même si la mobilisation était très nettement à la baisse lors des dernières grèves en décembre. A l’opposé, la FCPE (Fédération des conseils de Parents d’élèves) persiste à militer en faveur de la réforme. Elle a adressé une lettre ouverte aux maires de France précisant clairement qu’il ne devrait pas s’agir d’une bagarre politicienne : « Cette réforme n’est ni de droite, ni de gauche, c’est celle des enfants, celle de la réussite. » Et Daniel Freund, président de la FCPE du Vaucluse, de marteler : « Ce qui nous intéresse c’est le bien-être des enfants. »
…et les bons élèves
En Paca, on a aussi de bons élèves qui ont organisé des concertations, voire des comités de pilotages et n’ont pas attendu 2014, mais se sont jetés à l’eau dès la rentrée 2013, tous bords confondus. « Dans le Var sur 142 communes qui possèdent des écoles, seulement 10 % appliquent la réforme depuis septembre 2013, c’est le même pourcentage au niveau de Paca et idem au niveau national », note Jean-Pierre Véran président de l’Union régionale des maires de Paca et maire UMP de Cotignac. C’est le cas notamment de Ferdinand Bernhard (sans étiquette-ancien UDF et Modem) à Sanary-sur-mer, Claude Gilardo (PCF) à Brignoles, Jacques Paul (UMP) à la Celle ou encore Michel Tosan (PS) à Bagnols-en-Forêt. A Sanary par exemple, la mise en place a coûté 200 000 euros à la commune mais dans le cadre du fonds d’amorçage, l’Etat versera 50 euros par élève et la CAF 54 euros. Il restera donc au final moins de 100 000 euros à la charge de la municipalité, sans augmentation des impôts locaux… Période électorale oblige ! « L’objection des maires c’est de dire que ça coûte cher mais tout coûte cher, la communication du maire coûte cher, c’est juste une question de priorité ! », précise Michel Tosan.
Dans les Alpes-Maritimes, la commune de Mouans-Sartoux et son maire André Aschiéri (EELV) ont mis les gamins au rythme de la semaine de 4,5 jours sans problèmes. « Tout s’est bien passé, on a fait beaucoup de concertation pour en arriver à quelque chose d’équilibré, précise Gilles Pérole, adjoint délégué à l’éducation et à l’enfance. En faisant le calcul on s’est aperçu que la mise en place des nouveaux rythmes nous coûtait même moins cher qu’en 2008 avec 11 jours de classe en plus. Mais actuellement ceux qui traînent les pieds ont la mémoire courte ! » Et de conclure : « Ça ne doit pas être un débat politique mais sur les besoins de l’enfant. Il suffit de réorienter le budget car il est plus important de subventionner la jeunesse que de refaire des routes ! »
Une enquête réalisée par l’association des maires de France (AMF), publiée fin novembre, montre que 4 maires sur 5 qui ont mis en place la réforme dès 2013, en sont finalement satisfaits. Cependant certains font encore de la résistance et pas forcément qu’à droite. C’est le cas dans les Bouches-du-Rhône, de la mairie des Pennes Mirabeau (PS en dissidence par hostilité au projet de métropole) dont le Conseil municipal a voté à l’unanimité son refus des nouveaux rythmes. Le maire avait un a priori sur la réforme et les parents n’en voulaient pas. « Mais la mairie on n’a pas forcément été leader de quoi que ce soit », précise Michel Amiel qui rappelle qu’il s’était, autrefois, plié à l’exigence des familles favorables à la semaine des 4 jours alors que lui-même n’y était pas favorable. Les rythmes scolaires sont-ils un enjeu électoraliste ? « La mairie est très proche de nos idées et je ne me pose pas cette question», balaye Carole Soler, représentante des parents d’élèves en grogne. Et le maire se surenchérir : « la preuve qu’il n’y a pas de clivage politique, c’est qu’au conseil municipal tout le monde a voté contre, majorité comme opposition… »
Quoi qu’il en soit, septembre 2014 mettra tout le monde d’accord, puisque la réforme des rythmes scolaires deviendra obligatoire. « Je ne pense pas qu’il y ait des tentatives de boycott, considère Jean-Pierre Véran. Il n’est pas question, en tout cas, en tant que président des maires que j’aille sur cette voie car je suis un Républicain. » Et de conclure : « Si la réforme coûte cher à nos communes, il s’agit de toute façon de l’éducation de nos enfants. C’est une volonté politique qu’il faut avoir. »
Samantha Rouchard