Les hurlements d’Léo
Dans une ville où certaines ruelles sont affublées du titre ronflant de boulevard, on se doute qu’à Marseille, un passage, ça ne doit pas être très grand. Et qui s’est déjà rendu au théâtre Toursky, à Saint-Mauront, sait que s’engouffrer dans le passage Léo Ferré pour se garer, c’est un peu jouer à la roulette russe. Car, derrière l’arche, nichent également une crèche, une maternelle…
« Quand on a su que le passage Léo Ferré allait être réaménagé, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose, nous explique Guillaume Sèze, l’un des parents d’élèves du groupe scolaire Edouard Vaillant. On est dans un quartier, entre Euroméditerranée (1) et la Belle de Mai, où il y a pas mal de travaux d’aménagement et où interviennent une multitude d’opérateurs : l’Anru, MPM (1)… Ici, des habitants, avec l’association le Compas dans l’Œil, s’étaient déjà mobilisés autour du réaménagement de la place Arzial. Pour nous, pas question de laisser les pouvoirs publics se lancer dans des travaux sans consulter les habitants. Car, le risque, c’est de se retrouver dans un quartier totalement reconfiguré sans que les aménagements ne répondent à nos besoins. »
Or, ce qui saute aux yeux, « c’est le problème de circulation. Tous les matins, avec la crèche et la maternelle, plus de 300 personnes s’entassent sur 20m2 de trottoir et assistent au ballet des voitures. Lorsqu’elles n’ont pas trouvé de place, elles doivent faire, tant bien que mal, demi-tour. On a donc demandé que le passage soit fermé à la circulation. Impossible, nous a-t-on répondu, pour des raisons de… sécurité ! En face, on peut avoir affaire à des gens, au sein des services techniques, qui n’ont pas toujours l’habitude du dialogue avec les usagers… »
Appuyé par le Cucs (1), le collectif a été épaulé par le paysagiste Jérôme Mazas (lire ci-contre) : « Son travail, c’était de traduire techniquement nos demandes. Or, au-delà de la circulation, il y aussi un manque patent d’espaces verts. Plutôt que d’un énième parking sauvage, ce dont on a besoin, ici, c’est d’un espace public sécurisé pour les piétons avec, pourquoi pas, un jardin… »
Guillaume reste toutefois lucide : « Notre démarche n’a pas forcément été accueillie à bras ouverts. Surtout en période électorale où l’on est rapidement vu comme des opposants si l’on critique les projets en cours. On a donc besoin de techniciens à nos côtés. Et, avec le travail de Jérôme, on est tout de suite devenu plus crédible. Trop peut-être ! Un élu, lors d’une réunion de présentation de notre projet, a cru, en voyant les documents qu’on a produits, que le projet était d’ores et déjà bouclé ! Il faut rester vigilant. Comme lorsque nous avons reçu la demande d’un cabinet d’experts pour valider un projet. Seule la caution des habitants les intéressait. Dans ce cas-là, la concertation n’était vue que comme un gadget… »
Alors, la concertation, c’est de l’enfumage ? Non, rétorque celui qui, dans le civil, est consultant : « Le problème, c’est que, trop souvent, les réunions de concertation ne sont que des réunions d’information. A nous de nous faire entendre. On n’est pas chiant. On est juste un peu exigeant. Tout simplement parce que ces aménagements, on va devoir vivre avec pendant des années. Et, au final, quand on en discute avec nos interlocuteurs, ils reconnaissent, après coup, que le dialogue est profitable. »
Sébastien Boistel