Les cartes de la diffusion rebattues
Au bord de la crise de nerfs il y a six mois (cf le Ravi n°103), la distribution de la presse en France serait-elle sur la bonne voie ? Suite à l’accord adopté, en avril dernier, après de longues négociations, la restructuration du groupe Presstalis (1) a démarré. « L’accord nous convient, clame d’entrée Maxime Picard, délégué syndical CGT-SGLCE à Marseille. Il n’y aura pas de licenciements secs mais uniquement des départs volontaires et nous garderons nos statuts. » 10 postes seront supprimés à Marseille sur la centaine de salariés que compte le dépôt, contre les 50 qui étaient annoncés en 2012. Au niveau national, c’est finalement 950 départs sur les 2500 salariés du groupe qui ont été actés, soit environ 300 de moins qu’envisagés préalablement.
Les syndicalistes satisfaits…
Acculé par les dettes, Presstalis était voué à la faillite sans cet accord de restructuration : en 2011, l’entreprise affichait un déficit de 12 millions d’euros, 6 millions en 2012. Environ 90 millions d’euros auraient été économisés depuis trois ans et il en faudrait autant pour que le groupe retrouve l’équilibre en 2015, ce que prévoit ce plan social. « Nous allons massifier l’activité : de 40 sites, nous allons passer à 7 plateformes régionales, automatisées, commente Stéphane Bribard, directeur de la communication de Presstalis. L’opération a déjà commencé pour la moitié nord de la France. Pour le sud, cela va se mettre en place début 2014. » Ces nouvelles plateformes gèreront les magazines tandis que les quotidiens et les invendus resteront l’apanage de plus petits dépôts, souvent Soprocom (2).
En Paca, un gros site verra le jour à Marseille. Mais plusieurs dépôts, à défaut de fermer complètement, vont voir leurs effectifs fondre. A la SAD de Toulon (Société d’agences et de diffusion, propriété de Presstalis), 20 à 25 départs sont prévus sur 35 salariés ! « Pour ceux qui veulent quitter l’entreprise, le plan d’accompagnement prévu est très correct, concède Thierry Guillen, le délégué du personnel. Des reclassements dans le para-public, comme à la Poste, ou le financement de formations sont prévus en plus des indemnités légales. Pour les autres, il y aura la possibilité de travailler à Marseille. » Des trajets journaliers qui ne sont pas bien perçus par tous. « Je peux le comprendre mais je répète aussi aux collègues qu’il vaut mieux cela que de perdre notre job et les avantages qui vont avec », ajoute le syndicaliste.
…pour combien de temps encore ?
Mais la situation est beaucoup plus floue pour les salariés des dépôts Soprocom, comme celui du Pontet, à côté d’Avignon. De 27, l’effectif devrait être réduit à une dizaine de salariés. L’heureuse nouvelle à été annoncée à peine un mois avant la mise en place de la nouvelle organisation. C’est le site de Lyon, tout juste créé, qui va reprendre l’activité magazine. « Nous avons été très étonnés, surtout que cela intervient juste avant le festival de théâtre, le moment le plus important pour nous », commente Sylvie Mess, représentante du personnel sur le site, avec l’impression d’être considérés comme des salariés de seconde zone puisqu’ils n’auront pas la possibilité de rejoindre un site de Presstalis. Une situation qui a posé de nombreux problèmes de distribution. « En 18 ans de métier, je n’ai jamais vu une situation aussi pourrie, s’énerve Christian Moreau, kiosquier à Avignon. J’ai environ 50 magazines qui ne sont pas arrivés ce mois-ci. Je ne blâme pas les travailleurs du dépôt, ce n’est pas facile de travailler dans ces conditions, où ils ne savent même pas qui va y passer… »
Pourtant Presstalis, pour arriver à l’équilibre financier, compte bien s’appuyer sur ces 28 000 points de vente afin de diversifier son activité. Par exemple via des produits culturels, en profitant de la chute d’enseignes comme la Fnac ou Virgin. « Pourquoi ce qui ne marche pas chez le voisin marcherait chez nous ? », s’interroge sceptique Claude Castor, un autre kiosquier de la cité des papes. Les syndicats estiment, eux, avoir sauvé les meubles et évité la sous-traitance, ce qui maintient de fait l’accès aux kiosques pour les parutions modestes comme le Ravi. « Mais nous disons depuis le début que ce plan ne réglera pas grand-chose, assure Maxime Picard. Nous reviendrons à la charge pour une remise à plat totale du système, l’instauration d’un vrai service public et la refonte des aides à la presse. ». « Jusqu’ici tout va bien. Mais l’important n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. » Jusqu’ici tout va bien…
Clément Chassot