« Le Street art pour revendiquer notre liberté »
Les graffeurs c’est tout le monde ! C’est très varié, ce ne sont pas que des voyous ou des mecs de quartier. Ma mère sait que je pose. Et elle regarde les autres graffs et les miens puis elle se dit « c’est des gens comme mon fils pas des voyous ». Si je graffe c’est pour le côté artistique, mais aussi pour sortir [ndlr : Airo One peint aussi sur toiles]. Il existe un côté rébellion, comme pour « casser » la rue. Si on graffe c’est aussi pour créer un paysage urbain, faire partie du décor. Et le côté illégal a son importance.
Est-ce que le graff est un moyen de se réapproprier la rue ?
La rue appartient à tout le monde ! Par contre, le store ou le mur que j’ai graffé, il est à moi dans ma tête en tout cas. On laisse une trace, certaines peintures résisteront. C’est une manière de revendiquer notre libre arbitre et notre liberté. Si demain je meurs, il y aura toujours mes peintures et certains se rappelleront de moi. On dit qu’on est là, qu’on a été là, et que l’on peut y faire des choses. Et quand je peins et que quelqu’un vient me parler, je suis très content.
Comment se fait le choix d’une rue ?
Il faut sentir le passage, l’endroit. Un gros spot comme le Jarret c’est évident qu’il faut le faire. Y’a aussi ton envie, si tu veux prendre ton temps ou peindre rapidement. Au Jarret, tu vas vite, tu ne t’arrêtes pas si tu vois des voitures ou des gens. Généralement mon pote est derrière et fait le guet. Il existe aussi des spots où beaucoup de graffeurs ont posé. Du coup, je veux y être aussi. Le choix se fait par quartier, comme un publicitaire : il faut cibler. Mais on y va surtout au feeling…
Est-ce que tu t’imposes des limites comme ne pas graffer sur un autre graff ou sur le patrimoine ?
Ma première limite c’est la hauteur, je ne monte pas très haut car j’ai le vertige ! Il y a aussi les limites imposées comme celle du métro : avec les rails électrifiés, tu peux mourir. Ça met la pression mais si j’ai vraiment envie de le faire, j’y vais. En général, je respecte les autres graffs, je ne repasse pas n’importe qui, sauf si celui qui est passé avant moi n’a pas fait une belle œuvre ou si j’ai un niveau plus élevé que lui et que je veux le montrer. Je respecte les bâtiments bien sûr. Si le lieu est propre mon graff n’a rien à faire là. Mais si l’endroit est « éclaté », je pose. Je ne tague pas les voitures mais les camions oui ! Taguer dans des lieux sales, c’est plus dans l’esprit street art. Il y a aussi la recherche de la pose éternelle, là où on ne sera pas nettoyé.
Qu’est-ce que ça t’apporte d’exprimer ton art dans la rue ?
A part de la notoriété, ça ne m’apporte pas grand-chose. C’est une passion et au fil du temps je rentre de plus en plus dedans. J’ai envie de faire ça longtemps. Envie de faire partie de la culture graff et d’y être associé, à Marseille comme en France. Mon rêve serait de vivre de mes toiles, d’avoir un atelier, de me lever pour peindre, de pouvoir bouffer avec. Et ce qu’on souhaite, c’est exposer sa création où l’on veut.
Qu’est-ce que le street art apporte à ceux qui le reçoivent ?
Les gens ne savent pas ce que c’est. Tout dépend avec quels yeux on regarde. Peu arrivent à reconnaître le travail d’artiste. Sur un mur, il n’y a rien, le graff c’est donc que du plus. Ça apporte une sorte d’éveil, c’est revendicatif. Ça provoque de la curiosité comme quand un pépé de 90 ans vient me voir et me demande ce que ça signifie le Massilia Faï Avans (Marseille avance) que je suis en train de peindre sur le mur et pourquoi je le peins. Ça met des couleurs, ça habille, ça égaye, ça rend plus beau. Ça remplit le vide.
Propos recueillis par Lucas Blech