Le secteur qui va swinguer à Marseille
« Merci Marie-Arlette d’avoir accepté de diriger la liste dans le 3e secteur. La bataille de Marseille y sera décisive ! » Vendredi 20 décembre en début de soirée, devant une grosse centaine de militants PS rassemblés au siège de leur fédération et en la présence de la ministre, Patrick Mennucci, candidat socialiste à la succession de l’UMP Jean-Claude Gaudin, a lancé de sa grosse voix et avé l’accent la campagne des municipales dans les 4e et 5e arrondissements de la deuxième ville de France.
Immédiatement, le député-maire du centre ville a cependant prévenu : « Nous n’avons pas intérêt dans le discours public à mettre la pression sur la liste du 4/5. Ça a été notre erreur en 2008, on a créé une sur-mobilisation à droite. » Raté. Il y a six ans, Jean-Noël Guérini, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône désormais mis en examen et en disgrâce au PS, s’y était en effet cassé les dents de 900 voix dans ce « swing sector », secteur en balance, après une violente campagne contre le duo en place depuis 1995, l’ex député Renaud Muselier et Bruno Gilles, sénateur-maire UMP du secteur. Aujourd’hui, le FN semble en capacité de se qualifier pour le second tour et la victoire de Marie-Arlette Carlotti devant l’ancien dauphin de Jean-Claude Gaudin aux législatives de 2012 permettent à la gauche de rêver (1).
La sociologie est un sport de combat
Dans une ville figée entre quartiers sud et quartiers nord, y compris politiquement, les 4/5, situés au Nord-Est de la Canebière, ont évolué sociologiquement. « On [y] trouve plutôt des personnes âgées et des classes moyennes mais il a bougé, avec pas mal de constructions et l’arrivée de familles », explique la sénatrice communiste Isabelle Pasquet, qui y sera tête de liste Front de gauche en 2014 (2). « En 2012, Marie-Arlette fait 60 % sur le 5e arrondissement et 54 % sur le secteur, pas 51 % comme sur la circo [qui comprend en plus une partie du très droitier 6e, Ndlr] », rappelle de son côté Patrick Mennucci à la sortie de son meeting. Réponse de Bruno Gilles : « Il faudrait que j’ai pas de cul pour qu’après chaque enterrement ce soit un bobo qui [emménage] ! »
« A part entre les deux tours en 2008, où les sondages nous annonçaient perdants, je n’ai jamais fait d’insomnie », poursuit le secrétaire départemental de l’UMP. Et de savourer : « J’ai une équipe qui travaille depuis 19 ans, je fais des visites toute l’année, j’ai une bonne image. Il y a des liens qui se créent. » Bruno Gilles espère également capitaliser sur les faiblesses de son adversaire – équipe réduite, agenda de ministre (3), dissensions au sein du PS ou encore pouvoir de nuisance de Jean-Noël Guérini – et une campagne pas trop cristallisée sur Jean-Claude Gaudin.
Mortelle saint-valentin pour Carlotti ?
Patrick Mennucci ne lui fera pas ce cadeau. Devant les militants de Marie-Arlette Carlotti, qu’il n’oublie pas de caresser dans le sens du poil pour faire oublier les tensions des primaires, le candidat PS teste des axes de campagne très marseillais : l’adversaire c’est Gaudin, un candidat carte postale alors que Mennucci est celui de Marseille et des Marseillais ; le FN, c’est de leur faute ; aucun gouvernement n’a fait autant pour Marseille, mais le vote c’est pour Carlotti et Mennucci, etc. Et quand, le socialiste sort de sa manche les résultats d’une enquête sur le 4/5, c’est pour mieux tirer sur son adversaire : « Dans le secteur, les gens ont peur du fractionnement de la ville et du communautarisme, [ils] nous reprochent de ne rien faire pour les quartiers nord ! »
A voir si ce sera suffisant. Alors que Marie-Arlette Carlotti lance sa campagne à la rentrée par un courrier aux habitants du secteur, Bruno Gilles aiguise ses couteaux et astique ses fusils d’assaut. « Il veut sa revanche des législatives, il mettra beaucoup de puissance pour que Marie-Arlette Carlotti ne soit pas devant lui », prévient Isabelle Pasquet. Une preuve : pendant les primaires socialistes, le maire des 4/5 a savonné la planche à son adversaire en tapissant le secteur d’affiches à sa propre gloire.
Fort de son armée de 1184 militants revendiqués et « à jour », Bruno Gilles trépigne : « Marie-Arlette Carlotti va arriver devant un rouleau compresseur, je l’attends avec des cartouches ! Je lui prépare une surprise pour notre meeting du 7 février. » Ce « swing sector » s’annonce finalement très Rock’n Roll !
Jean-François Poupelin