« le Ravi, j’en suis ravi ! »
18h25
Elus et citoyens entrent petit à petit dans la salle du conseil, ce 19 décembre 2017 : la cantine de l’école, pleine de décorations de Noël. Des tables en U font face à une rangée de chaises. le Ravi a publié le mois dernier une enquête sur la gestion trouble de l’urbanisme par la municipalité précédente et visiblement intéressée pour certains conseillers municipaux (cf « Le PLU aux œufs d’or », le Ravi n°157). L’article a, paraît-il, fait du bruit dans la commune. La question, on l’espère, sera évoquée ce soir.
18h27
Tout en collier de barbe blanche, petites lunettes rondes, pull gris et jean, le maire Jean-Louis Robert vient nous saluer d’un sobre « Bonsoir ».
18h35
Après avoir fait l’appel et validé le compte rendu de la séance précédente, le maire informe avoir confié sa défense au cabinet d’avocats SCP Margall d’Albenas dans l’affaire « Levier ». Ce n’est pas le nom de code du Ravi mais le nom de famille d’une dame qui s’est blessée à cause d’une plaque lors d’un événement municipal. Elle n’est pas satisfaite de la somme proposée par les assurances et poursuit donc la mairie en justice.
18h40
Le premier point à l’ordre du jour vient valider la demande de subventions à l’agence de l’eau et au département de Vaucluse pour la troisième des cinq tranches de travaux intitulée « mise en séparatif du réseau pluvial ». Tout le monde vote pour.
18h44
Michel Soler, l’adjoint aux sports et aux associations aux faux airs de zadiste, explique pourquoi la mairie souhaite verser une subvention exceptionnelle de 1920 euros au club de tennis du coin. Des racines d’arbres ont provoqué le décollement de certaines parties du court, mettant en danger les enfants. Le club s’est occupé des travaux en urgence et a demandé à la mairie de payer la facture. Ce qui sera voté, non sans retenues. Pour Michel Simos, conseiller municipal d’opposition sans étiquette, « l’urgence, ce sont les enfants, je voterai donc pour. Mais attention, il y a des règles à respecter, une commission travaux… Si toutes les associations commencent à faire pareil… » Michel Simos est l’élu cité dans l’article du Ravi : il a présenté, début 2017, en conseil un mémoire mettant en garde contre les manquements du Plan local d’urbanisme (PLU) face aux risques d’inondations, tout en parlant d’un « PLU au faciès ». Michel Soler avoue que « c’est un peu de sa faute. J’ai dit oui pour parer au plus pressé ». L’ambiance est bonne, tout le monde s’appelle par son prénom et se tutoie.
18h48
Le maire reprend. Il souligne le caractère exceptionnel de la manœuvre et la nécessité en 2018 pour les associations de prévoir TOUTES leurs dépenses. Josette Dorgal, l’épouse de l’ancien maire Jean-Claude Dorgal – pointée du doigt dans le Ravi – prend la parole : « Nous avons une gestion positive au foyer rural cette année, nous ne demanderons pas de subventions en 2018, je peux donc l’offrir au club de tennis ! » Pardon ? Le maire précise que cette question se posera lors de l’examen du budget 2018 mais que « oui », le cas échéant, la mairie pourra transférer cette subvention au club de tennis. A Villelaure, l’argent public semble appartenir à des particuliers qui peuvent l’ « offrir » à qui bon leur semble…
19h05
Deux autres délibérations passent, on en vient à la cession de parcelles au bailleur social départemental Mistral habitat pour la construction de 15 logements sociaux dans une commune qui n’en compte pratiquement pas. Evaluée à 475 000 euros par les Domaines, elle était trop chère pour Mistral habitat. Résultat, la commune devra verser une subvention au bailleur de 125 000 euros.
19h25
Le maire est catégorique : il ne veut pas augmenter les impôts. Du coup, pour financer, entre autres, les travaux d’une salle périscolaire, il a décidé d’emprunter 500 000 euros. Mais au fait, les temps d’activité périscolaire (TAP) ne doivent-ils pas s’arrêter l’année prochaine ?
19h41
« On nous a pris pour des gogos », se plaint le maire. Il a fourni une balayeuse pendant un an à la communauté de communes qui devait la lui acheter 20 000 euros. Elle ne veut en donner que 5000. « On la vendra ailleurs ! »
20h00
Le maire s’interrompt pour répondre au téléphone : « Ça y est ? Je te rappelle à la fin du conseil. » Il a les larmes aux yeux, la voix chevrotante. Un heureux événement ?
20h01
On y est, enfin. Dernière question diverse, celle de l’élue d’opposition Aline Buisson-Jousse : « Et l’article du Ravi ? Beaucoup de monde m’interpelle là-dessus. » Réponse du maire, qui cherche toujours le trait d’humour : « le Ravi, il a fait un article, j’en suis ravi ! » « C’est un peu court comme réponse », répond l’élue. Il fait un petit effort : « Cela ne concerne pas le conseil municipal (sic). J’ai reçu poliment le journaliste (ce qui est vrai, Ndlr), il a écrit ce qu’il a voulu. Je ne lui réponds pas, j’ai autre chose à faire. Maintenant, je mets au défi qui que ce soit de démontrer que quelqu’un a été jugé et condamné. Les permis de construire ont été attaqués mais personne n’est poursuivi au pénal. » Ce qui est exact, mais les procédures ne sont pas finies. Il est finalement très bavard : « Je me suis expliqué, il a interprété, chacun en pensera ce qu’il veut. En ce qui me concerne, je peux mettre tous mes comptes à disposition, je ne me suis jamais enrichi. Au contraire, être élu m’a plutôt coûté du temps et de l’argent. Depuis que je suis maire, les cadeaux d’entreprise, je les donne à des associations. La précédente municipalité est mise en cause, je rappelle que pendant un an et demi, j’ai été persona non grata. J’ai découvert le projet de maison de retraite au moment de la présentation du PADD (Projet d’aménagement et de développement durables, Ndlr). Je l’ai soutenu, c’était pour moi quelque chose de très bien pour la commune… » L’élu tient la même défense que dans nos colonnes, semblant vouloir se désolidariser de l’équipe précédente. Et enfile quelques perles à la fin : « le Ravi il a fait son boulot à sa manière. Mais celui qui vient me reprocher de m’être enrichi et d’avoir magouillé, il aura affaire à moi ! Je suis élu depuis 1989, à l’époque où j’étais le 1er adjoint de Francis (Pignoly), on avait une indemnité de 800 euros. Et je prélevais 200 euros par conseiller pour jouer au loto et mettre un peu d’argent dans les caisses (sic !). Et je continue à le faire avec mon indemnité que j’ai d’ailleurs décidé de baisser. » Grand prince. Suite au prochain épisode.
20h07
« Merci ! » la séance est close. Le coup de fil précédent était bel et bien l’annonce de la naissance de la petite-fille de M. le maire. Margot, 3 kilos 850.
Clément Chassot
Villelaure (84)
3 323 habitants (2014) 0 fleur « villes et villages fleuris » Près de 0 % de logements sociaux Score de Marine Le Pen en 2017 : 28,26 %, en tête, lors du premier tour de l’élection présidentielle.
Le maire : Jean-Louis Robert (DVD), depuis 2014, 71 ans et tout nouveau grand-père. Il était auparavant « conseiller municipal d’opposition ». Il a tout de même travaillé avec le maire précédent, Jean-Claude Dorgal, au sein de la commission urbanisme.
La majorité : 17 élus « Ensemble pour Villelaure »
L’opposition : 3 conseillers sans étiquettes « La nouvelle dynamique » et 3 conseillers divers droite « Expérience, confiance : notre force ».
Le conseil municipal soumis au test du Ravi : Durée : 1h32 Présents : 16 élus de la majorité, 5 de l’opposition Temps de parole cumulé de l’opposition : 7 minutes Le public : 14 personnes dont 1 journaliste
Article publié dans le Ravi n°158, daté janvier 2018