Le printemps du logement social ?
« C’est la saison, on peut les jeter à la rue ! » : nul doute que nos confrères de La Marseillaise ont eu, pour ce 1er avril, le sens de la formule. Il faut dire que « pour les plus démunis, les ennuis commencent avec l’arrivée des beaux jours ». Et ce, pour une raison simple : « La trêve hivernale des expulsions locatives a pris fin cette nuit. » Or, comme le rappelle le quotidien, « le coût de l’expulsion, c’est un des paradoxes qui attise les colères du moment, coûte plus cher à l’Etat que le maintien de cette famille dans son logement ». Et ce n’est pas l’ouverture de 2000 places pérennes annoncée par la ministre du Logement de l’époque, Sylvia Pinel, qui vont apaiser le courroux de nos confrères puisque, notent-ils, la fin de la trêve hivernale s’accompagne de la fermeture de « 8000 places d’hébergement d’urgence »…
Au printemps dernier, celle à qui Emmanuelle Cosse a succédé il y a peu, était sur tous les fronts. Car, dans la foulée de la présentation du rapport sur le mal-logement, les nouvelles n’étaient pas fameuses. Notamment du côté du logement social. Emblématique ? Cet article de Challenges au titre choc : « Logements sociaux : c’est en Paca qu’on respecte le moins la loi. » Et de pointer le fait que sur les 218 communes « carencées » – c’est-à-dire ne respectant pas l’obligation de compter 20 % de logements sociaux – « 86, soit plus d’une sur trois, sont situées » dans la région. Parmi lesquelles « cinq, jugées particulièrement récalcitrantes », verront « leurs pénalités quintuplées » : quatre dans les Alpes-Maritimes (Tourette-Levens, Pégomas, Contes et le Rouret) et une dans le Var (Solliès-Toucas).
La ministre, en tournée en Paca à cette époque, tape donc du poing sur la table, incitant, dixit Challenges, « les préfets à accélérer la construction de logements sociaux dans les communes carencées en "s’emparant pleinement" des outils à leur disposition : droit de préemption et délivrance du permis de construire en lieu et place des élus ».
Capital aussi, s’appuyant sur « un rapport du comité régional de l’habitat » de Paca et en donnant la parole aux communes mises à l’index, fait le même constat. Mais pour une conclusion radicalement différente : « Ces résultats révèlent surtout, une fois de plus, l’incapacité de l’Etat à faire respecter cette réglementation », notant ainsi qu’« à peine 20 % des mauvais élèves en Paca ont dans les faits vu leurs pénalités majorées ».
D’où cette opération de com’ que relaie Le Moniteur : la première édition à la veille de l’été du « palmarès régional de l’habitat » pour mettre en avant les « opérations d’habitat social remarquables » : « Tout un symbole dans une région où le logement social n’est pas forcément la religion des élus locaux », dixit le président de l’association régionale HLM Paca & Corse.
De fait, lors de son passage dans la région, la ministre a eu fort à faire. Car il n’y a pas que le logement social qui est en berne. Comme le résume Le Moniteur début mars : « Comment relancer durablement la construction de logements en Provence-Alpes-Côte d’Azur frappée par la rareté du foncier constructible, la progression de l’étalement urbain, des prix élevés dans l’immobilier et un manque important de logements sociaux ? » Avec, en prime, comme le souligne l’établissement public foncier Paca, le fait que « la région Paca détient le record national du nombre de recours sur les permis de construire et les PLU ».
Ne reste plus qu’une solution pour la ministre : mettre la main à la pâte. Et, dans le cadre de son « tour de France de la construction », poser la première pierre du côté d’Avignon d’une résidence made in Vinci garantie « 30 % moins chère ». Un événement dont France Bleu Vaucluse se fait l’écho, sans toutefois noter le nom pourtant guilleret de la future bâtisse : « A l’abri du vent »…
Pourtant, déjà, à l’époque, souffle un vent mauvais qui se transforme en tempête sur un autre projet d’envergure, celui de la métropole Aix-Marseille-Provence. Un projet qui verra, comme le rapporte Le Monde, Manuel Valls débloquer fin mai 1,6 milliards d’euros dans le cadre d’un contrat de plan Etat-Région, dont « 107,5 millions d’euros sur 23 opérations de rénovation urbaine (dont 12 dans les Bouches-du-Rhône) ». Et le premier ministre de faire les gros yeux en constatant qu’une enveloppe de 100 millions d’euros de l’Agence nationale de rénovation urbaine restait à utiliser avant la fin de l’année par la ville de Marseille : « Il ne suffit pas de demander des crédits supplémentaires, il faut déjà utiliser ceux qui ont été attribués. »
Sauf que, si, lors de cette visite, le locataire de Matignon a tancé les maires des communes ne construisant pas assez de logements sociaux, c’est après avoir annoncé quelques semaines plus tôt, comme le rapporte Le Figaro, au nom d’une « politique de peuplement » et pour favoriser la « mixité sociale » que les bénéficiaires du Dalo (Droit au logement opposable) ne seront plus logés dans les quartiers prioritaires, afin de ne pas « ajouter de la pauvreté à la pauvreté ». C’est ce qu’on appelle, comme sur d’autres dossiers (par exemple les aides aux logements, les APL), souffler le chaud et le froid. Mais après tout, le chaud, le froid, c’est de saison, c’est le printemps…
Sébastien Boistel
En mars (n°138) le Ravi s’est livré dans un cahier « très spécial » à une « revue de presse » du mal-logement en Paca, en distinguant, pour chaque saison, les grandes thématiques abordées par les médias et en mettant en avant un article emblématique d’un de nos confrères ainsi que ceux réalisés par le mensuel qui ne baisse jamais les bras…