Le Pavillon M met KO le J1
Jusqu’en 2012, la balade digestive des Marseillais un dimanche après-midi avait trois destinations possibles : parc Borély, parc Longchamp ou… Plan de Campagne. Grâce à la capitale européenne de la culture, ils ont désormais une quatrième option : relier le Pavillon au J1 en passant par la tour Saint-Jean, avec évidemment, une petite halte sous l’ombrière du Vieux-Port. Un parcours d’un petit kilomètre en plein centre-ville, avec les bateaux qui gîtent, une quasi absence de circulation automobile, la découverte du front de mer avec le Mucem, la villa Méditerranée, pour finir au J1, à deux pas de la place de la Joliette. En attendant que les musées du J4 ouvrent au printemps, la foule sentimentale marseillaise (1) effectue pour l’instant le pèlerinage Pavillon M-J1, dont 50 mètres de trottoir complètement défoncé à hauteur de la tour Saint Jean, dans un virage particulièrement dangereux pour les piétons. Une balade qui n’aurait jamais du exister, si MP2013 et la ville de Marseille avait pu travailler ensemble depuis le début !
En effet, comme dans toutes les capitales européennes de la culture, il fallait à Marseille un site central où aurait dû battre le cœur de la capitale européenne de la culture. « A Lille, en 2004, c’est un ancien tri postal laissé à l’abandon entre les deux gares qui a occupé ces fonctions, en plus de celle d’accueillir des expositions, explique Boris Grésillon, géographe et spécialiste de l’aménagement culturel (2). Le site a tellement bien fonctionné qu’il existe encore aujourd’hui toujours sur le même modèle (exposition, bar, billetterie). A l’origine, le J1 aurait du avoir cette vocation. Mais son positionnement trop excentré par rapport au centre historique de Marseille et notamment de la gare Saint- Charles où arrivent trains et navettes de l’aéroport, ne l’a pas aidé à s’imposer. » Le refus du port de Marseille puis de MP2013 de financer un système de climatisation pour l’été, durant lequel il sera fermé, l’a achevé. Du coup, la ville de Marseille s’est engouffrée dans la brèche en commandant le Pavillon M, structure éphémère construite pour 5 millions d’euros à côté de l’hôtel de ville. Aujourd’hui, chacune des deux structures fonctionne sur des modes et avec des objectifs bien différents.
Pavillon de la vidéo
Quand on entre au Pavillon M, ouvert tous les jours de 10 heures à 19 heures, aucune mention de la capitale européenne de la culture, ni de présence de son fameux logo. L’accueil est assuré par des hôtesses d’une société privée, la sécurité assurée par Onet et l’animation par les personnes trouvées par la campagne « Tous bénévoles » montée par la ville. A l’entrée se trouve le photomaton de « Plus Belle la vie ». Puis on pénètre dans l’espace Bargemon (nouveau lieu du conseil municipal) avec un chauffage qui transforme le lieu en étuve. Beaucoup de vidéos vantant les beautés (plus évidentes que cachées) de la ville, depuis la Bonne Mère, l’OM, l’architecture, le front de mer ou les calanques. Des petites salles de projection proposent de « sentir » les parfums de Marseille, mais on ne sent pas grand-chose. Dans un angle, on nous promet les trésors des musées de Marseille (la plupart sont fermés), mais c’est (encore) une vidéo qui est projetée. Un autre mini-parcours met en scène trois cuisiniers qui expliquent… par vidéo les recettes emblématiques de Marseille.
L’ascenseur étant (déjà) en panne, il faut accéder à l’étage par l’escalier. Là, une mini-scène est dressée où un groupe chantonne des airs anciewns qui ont l’air de réjouir les personnes âgées assises. Derrière, on tombe enfin sur la banque d’accueil de Marseille-Provence 201 3, où personne ne se presse. Sur le niveau supérieur, le Pays d’Aubagne présente Terre Argila, sa manifestation autour de la céramique avec les travaux de Danielle Jacqui, célèbre pour avoir recouvert sa maison de Roquevaire de céramique. En janvier, c’était la Région qui faisait sa communication. Malgré le monde, il ne faut pas plus de 30 minutes pour faire le tour des 300 m2 du Pavillon M, qui ressemble plus à un stand de la foire de Marseille qu’à un espace d’accueil d’une capitale de la culture.
18h, le J1 tire le rideau
C’est donc avec une certaine soif culturelle que l’on se dirige en cette fin d’après-midi en direction du J1. Après 20 minutes de marche, nous arrivons devant l’ancien entrepôt dont le dernier niveau est occupé par MP2013. Ici l’ascenseur fonctionne et le service de sécurité est toujours assuré par ONET. L’espace de restauration est sur le point de fermer. Derrière, une cinquantaine de personnes assistent à un petit débat sur une exposition. Les enfants courent dans tous les sens. Comme le Pavillon M, le J1 est une belle réussite architecturale. On se sent particulièrement à l’aise. Malheureusement, la billetterie de l’exposition (3) est déjà fermée.
Il faut se rabattre sur la banque d’accueil de l’atelier du large qui présente plusieurs mini-expositions gratuites. Mais les espaces sont tellement exigus qu’il faut attendre que des personnes sortent pour découvrir les photos. Une fois à l’intérieur, on reste dubitatif devant les mini-formats des photos des chercheurs du Midi. Et surtout sur la pertinence de l’exposition : La collection de photos personnelles vaut-elle vraiment une exposition ? Pour les affiches réalisées par les détenus au Baumettes, on aurait aimé en voir plus et en plus grand format. Mais là aussi, tout est ridiculement étroit. Plus loin, on essaye de rentrer à la librairie, mais le rideau est tiré. « On ferme », annonce le jeune vendeur. A côté, les parents récupèrent leurs enfants dans l’espace qui ressemble, à s’y méprendre, à une halte-garderie. « Désolé, mais le J1 ferme à 18h », martèle l’agent de sécurité. Il ouvre tard aussi : pas avant midi, week-end compris.
Stéphane Sarpaux