Le Pact 13 fait du neuf avec du vieux
Avec ses volets bleus et son enduit impeccable, le 31 de la rue Bouès contraste avec les façades décrépites des immeubles voisins du troisième arrondissement de Marseille. Au rez-de-chaussée vivent Mohamed, Sarah et leur fille de 5 mois, Sirine. La visite est rapide. La chambre, la salle de bain, la buanderie et le grand séjour avec cuisine américaine, qui donne sur une petite cour intérieure. Tout est neuf, les peintures sont fraîches. La famille s’est installée dans ce logement en septembre dernier. 76m2 pour un loyer de 424 euros. « On est bien ici », sourit Mohamed. Avec les 700 euros que le jeune papa touche de Pôle emploi, le couple n’aurait jamais pu se loger dans ces conditions dans le parc privé.
Cet immeuble de quatre logements sociaux aurait pourtant pu grossir la longue liste de l’habitat indigne. Le propriétaire, Gérard Dossetto l’a hérité de son père. Loué depuis 1976, l’immeuble se dégrade malgré quelques rafraîchissements. En 2001, Gérard décide de réhabiliter complètement son bien, en profitant de subventions de l’Etat. Il se tourne d’abord vers l’Agence nationale de l’habitat (l’Anah) sans succès, avant d’être dirigé vers le Pact 13 en 2008.
Gros œuvre versus dentelle
L’association est spécialisée dans la réhabilitation de l’ancien dégradé, et installe dans des logements rénovés des personnes en réinsertion, comme Mohamed et sa famille. « On mobilise les aides qui existent », explique Vincent Collin, chargé de communication du Pact 13. C’est lui qui a choisi de nous montrer cet immeuble sur le millier que produit l’association chaque année dans les Bouches-du-Rhône. « L’Etat, le CG, la région, parfois la ville proposent des subventions. Mais les dossiers sont souvent fastidieux à monter. C’est difficile pour un propriétaire de toutes les mobiliser. »
Sur les 500 000 euros qu’aura coûté l’opération de réhabilitation de son immeuble, Gérard Dosetto n’en aura déboursé que 70 000. Les subventions représentent 380 000 euros. Pour équilibrer l’opération, l’association restera gestionnaire de l’immeuble pendant 15 ans et empochera les loyers sociaux. Gérard récupérera son bien en 2029. « Des proches m’ont demandé pourquoi je m’embêtait avec tout ça… Mais je voulais faire quelque chose de correct pour les locataires et je ne pouvais pas suivre les travaux. J’espère quand même pouvoir en profiter. Sinon tant pis, ce sera mon fils. »
Beaucoup d’argent et d’énergie pour 15 ans de logement social… Les appartements du Pact 13 coûtent selon nos estimations entre 2500 et 3000 euros du mètre carré. A titre de comparaison, un logement social classique coûte aux alentours de 2000 euros du mètre carré. N’est-ce pas absurde ? Vincent Collin explique : « Cela permet de mettre du logement social diffus dans le tissu urbain existant. Les bailleurs HLM font le gros œuvre, nous on fait de la dentelle. » De la dentelle sur un vêtement souvent tout rapiécé.
Duplex dans quartier pourri
A Marignane, la mairie classée monument historique cache un quartier fantôme. Un enchevêtrement de ruelles dont les façades sont au trois-quart murées. Vitres cassées, goudron qui se délite, moisissures… Des barrières et des écriteaux « Défense d’entrer, danger » condamnent certaines rues. A l’abandon depuis une trentaine d’années, le quartier devrait être rénové d’ici 2019, si l’on en croit les engagements pris en 2012 lors de la signature d’une convention de rénovation urbaine à hauteur de 66 millions d’euros. Devant ce qui a dû être une jolie placette, difficile d’imaginer que tout sera refait dans quatre ans. Les herbes folles poussent entre les pavés et les immeubles semblent à deux doigts de s’écrouler. « Ils devraient louer ça pour tourner des films sur la guerre de Bosnie », plaisante Nicolas André, architecte au Pact 13.
Notre entrée dans un des immeubles est signalée par les sifflements de deux petits guetteurs d’un point de deal de drogue installé dans la ruine d’en face. La mairie, propriétaire d’une partie du quartier, a confié au Pact 13 la rénovation de 11 immeubles. Cette fois le bail à réhabilitation durera 50 ans, la création de logement social sera plus durable qu’à Marseille. Tous les immeubles que nous fait visiter l’architecte sont dans le même état de délabrement. Marches d’escaliers à éviter, flaques d’eau au premier étage. L’aménagement est ancien, on se cogne à un encadrement de porte trop bas. Mais plus qu’une mise au goût du jour, c’est la structure de certains immeubles qu’il faut revoir. Rue de la Goulette, les ouvriers ont déjà enlevé le toit. Le plancher subira le même sort. Dans le futur T4 en duplex livré dans un an, seuls les murs seront d’origine. 230 000 euros de travaux et au final un loyer de 415 euros par mois. Un joli chez-soi dans un quartier tout pourri… Car en dehors des murs, le travail du Pact s’arrête et c’est à la ville de prendre le relais. Mais « en vacances », personne n’y a daigné nous répondre…
Margaïd Quioc