Le one-man « shoah » d’Alain Soral
Dans la galaxie « Dieudo », il y a des fachos, des gauchos mais surtout, aux côtés du rigolo, il y a l’intello : Soral, passé du PC au FN avant de monter son groupuscule (Egalité et Réconciliation). Début janvier, il est annoncé à Marseille pour une conférence : « Vers l’insoumission généralisée ». La réservation se fait par mail, le paiement « en espèces ». Quant au lieu, il ne sera révélé que la veille. Ilfaut dire qu’à Nice, Estrosi a réussi à faire interdire le meeting. Comme Soral, ne voyant rien venir, j’insiste et apprends que la conférence se tiendra dimanche 11 janvier à 14 heures au « Diamant Palace », une salle miteuse des quartiers nord au bord de l’A55.
A l’entrée, c’est l’Action Française, avec sales gueules, fleurs de lys et brassards tricolores de rigueur, qui gère l’accueil : « Ceux qui ont réservé, file de gauche, les autres, file de droite », nous aboie-t-on dessus. « Où je suis, moi, à gauche, à droite ? », entend-t-on derrière. Devant, un type assure à ses voisins que « le Titanic aussi, c’est un complot : y a jamais eu d’iceberg ! » Et un jeune Toulonnais d’avouer à un prof lyonnais que, pour sortir du chômage, il serait prêt à entrer dans la police : « T’as raison, des flics qui viennent écouter Soral, il en faut ! » Commentaire bourru : « T’inquiète, dans la salle, des flics, doit y en avoir… »
Dix euros en moins et une fouille plus tard, je rentre dans la salle. Elle est pleine et, quoique bien blanche, assez bigarrée. Au fond, un stand de la maison d’édition de Soral et un autre de l’AF avec, entre autres bouquins, « Le guide juif de France ». Des autocollants qui caricaturent Netanyahou, Rothschild… Qui vantent les mérites d’une BD, signée Soral et Dieudonné, « à lire d’urgence avant interdiction ». Je trouve une place entre un gros bras et un petit beur.
Soral arrive. Enchaîne les quenelles. Standing ovation. Il se dit « ému de voir autant de gens prêts à payer pour parler politique alors qu’aujourd’hui, les politiques doivent payer pour avoir du monde ». Mais l’heure est grave, car le sujet du jour c’est l’affaire Dieudonné : « C’est la démonstration de tout ce que je dénonce. Je suis étonné d’avoir à ce point raison. » Car derrière, il y voit la main d’un « pouvoir que vous avez, comme moi, identifié ». Une « communauté qui est surreprésentée dans la politique, les médias », qui ne représente « qu’un sixième de 1 % de la population française » et qui « a fait allégeance à un pays dont la politique classerait le FN à l’extrême gauche ».
Mais attention, prévient Soral, « je ne suis pas antisémite. Mais antisioniste et judéo-critique, voire judéophobe. Mais puisque d’autres ont le droit d’être islamophobes… » Et de dénoncer la « religion de la Shoah ». Poursuivi pour une quenelle au mémorial de la Shoah à Berlin, il rétorque : « Cet endroit est un haut lieu de rencontre homosexuelle. Etant, comme vous le savez, bisexuel, je m’y suis fait prendre en photo en faisant le signe bien connu du fist-fucking. Je ne comprends donc pas ces attaques à la limite de l’homophobie. » Rires gras.
Le clou de la conférence, c’est quand Soral appelle son ami Dieudo. La quenelle, signe censé être d’irrévérence, se veut d’allégeance et certaines sont bien tendues. Ça chante : « Chaud ananas ! » (1) Et Dieudonné, par portable interposé, de lâcher : « On est debout, la résistance continue ! » Soral, lui, conclut, malgré les « agressions », les « menaces » et juste avant les dédicaces : « C’est nous les bons et, à la fin, on va gagner. » Et comme en France, tout finit par des chansons, j’ai droit à la Marseillaise, mon voisin de gauche (sic) hurlant : « Qu’un sang impur abreuve nos sillons ! »
Sébastien Boistel