Le net, c’est facile, c’est pas cher…
Depuis cet été, sur le site d’Alexandre Guérini, News of Marseille, la seule chose qui est réactualisée, c’est la météo. Bien qu’un édito assure que, malgré les rumeurs, le site continue, quand on appelle, on tombe sur un répondeur. Et quand on parvient à joindre Fanny, « assistante de rédaction », elle ne peut « rien nous dire », juste transmettre nos questions à Gilles Pascal, le représentant légal du site. Rien qu’en 2011, il aura coûté plus de 500 000 euros au médiatique frangin du président du CG 13 !
Tout le monde n’a pas la chance de Didier Pillet, l’ancien patron de La Provence, qui voit la ville et les eaux de Marseille arroser de pub son site, Le meilleur de Marseille. Faire de l’info sur la toile, c’est facile, c’est pas cher et ça peut rapporter gros ? A voir. En tête, l’arrêt de l’expérience marseillaise de Rue 89, le site de Pierre Haski ayant été depuis absorbé par le Nouvel Obs’.
Né il y a moins de trois ans, Marsactu ferait presque figure de vétéran, avec sa demi-dizaine de journalistes, ses locaux flambant neufs sur le Vieux-Port et un nouvel actionnaire, Frédéric Chevalier, qui a investit « quelques centaines de milliers d’euros ». Quand on lui demande si la présence d’un membre du club Top 20 (une antenne de l’UPE 13, le Medef local, à la gloire de la « métropole ») a une incidence sur le rédactionnel, Pierre Boucaud, le patron du site, trouve cela presque « insultant : il suffit de lire ce qu’on écrit ! »
Si, jusqu’à présent, il assurait des « missions de conseil » pour financer son site, il compte désormais sur les rentrées publicitaires : « On fait 100 000 euros de chiffre d’affaires avec des annonceurs privés, comme la Caisse d’Epargne ou la Société marseillaise de Crédit mais aussi des partenaires institutionnels comme le Conseil général ou la Région. Cette année, on devrait perdre 100 000 euros. L’an prochain, pour être à l’équilibre, on table sur 400 000 euros de chiffre d’affaires, l’objectif étant de créer des sites d’info dans d’autres villes, comme Toulouse ou Bordeaux. » Réclamant la « transparence » sur les aides à la presse ou les budgets com’ des collectivités, le patron de Marsactu note qu’à part Médiapart, « pas un seul pure-player n’est à l’équilibre ». Reste que, pour lui, internet reste « le support sur lequel le ticket d’entrée reste le plus bas ».
Même calcul de la part des quatre fondateurs de Mlactu, quatre jeunes journalistes qui se sont rencontrés à l’école de journalisme de Montpellier et qui couvrent l’actualité des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, de l’Hérault et du Gard. « On ne parvient pas à en vivre jusqu’à présent, souligne Maud Fontanel. On se paye donc grâce aux piges que l’on fait à côté. Et l’on ne sait plus ce que veulent dire les mots « week-end » et « vacances » puisqu’on doit tout faire, du rédactionnel au commercial en passant par l’administratif… »
Même son de cloche Chez Albert, le site lancé par deux anciens de l’édition marseillaise de 20 minutes. « Il est illusoire de croire qu’un site ne coûte que les 50 euros d’hébergement par an, explique Frédéric Legrand. D’autant qu’à vouloir être multi-support, on se rend vite compte que chacune des tâches qu’un journaliste en ligne a à assumer pourrait être un boulot à part entière mobilisant, à chaque fois, une personne à plein temps. Sur le net, il ne suffit pas d’écrire, de prendre des photos. Il faut faire du son, de la vidéo. Et du buzz. Autant dire qu’à vouloir tout faire, on risque rapidement de s’épuiser. »
Alors, pour sa deuxième saison, « Chez Albert » a repensé son modèle économique : « On savait que la monétisation de notre audience ne suffirait pas à nous faire vivre. On espère néanmoins qu’avec la pub et les dons, le site réussira à s’autofinancer. Et, à côté, on va monter une agence de presse pour faire de la formation et, accessoirement, nous payer. Car, si, jusqu’à présent, nous pouvions compter sur nos indemnités chômage, désormais, ce n’est plus le cas ». Reste que, pour cet ancien de 20 minutes, l’avantage de la toile, c’est que, « pour l’instant, rien n’est formaté ». Et de conclure : « Et puis, ce qui nous rassure, c’est que tout le monde en chie ! »
Sébastien Boistel