Le mariage pour tous passe l’épreuve pratique
Au cours des (longs) débats sur le mariage pour tous, la subtilité a parfois été mise au placard par nos élus. Du député du Var Georges Ginesta (UMP), affirmant qu’« il ne faut pas travestir la nature » à la sénatrice des Alpes-Maritimes Colette Giudicelli (UMP) s’inquiétant de voir arriver des « mariages avec des objets », les arguments chocs ont été légion dans le Sud. Même à gauche, le sénateur-maire (PS) d’Allauch, Roland Povinelli s’était distingué lors des discussions au Sénat par son souhait de « préserver la cellule familiale constituée d’un homme et d’une femme ».
Les réfractaires s’alignent…
Pourtant, l’histoire retiendra que le premier élu gay qui s’est marié est de la région. Fabrice Lachenmaier, maire du Mas (près de Grasse, dans les Alpes-Maritimes), a passé la bague au doigt de son compagnon le 7 juin dernier. « Je suis pacsé depuis 13 ans donc mon couple aurait pu attendre, explique-t-il. Mais ce mariage avait un côté militant, c’était pour montrer un peu l’exemple. » Montrer l’exemple face à certains élus réfractaires, prêts à brandir leur « clause de conscience » (1), une expression qui fait bondir Fabrice Lachenmaier : « Quand je marie des couples hétéros, je la mets dans ma poche ma liberté de conscience ! »
À Marseille, la première union a eu lieu chez… Dominique Tian, député UMP qui avait fait le coup de poing à la fin d’une manifestation anti-mariage gay le 16 avril ! Loin de l’effervescence médiatique du tout premier mariage célébré à Montpellier, le 29 mai, celui de Charly et Marcel s’est déroulé dans la plus grande discrétion, le 17 juin. Ce matin-là, aucun dispositif policier ni journalistes près de la Villa Bagatelle. À l’intérieur, seuls les mariés et leurs témoins sont présents. « Ils étaient contre un mariage surmédiatisé, pour eux c’était juste l’occasion de régulariser leur situation après 42 ans de vie commune, assure Michèle Vannucchi, l’adjointe de Dominique Tian chargée de célébrer la noce. J’étais contre mais on est en démocratie, la loi est passée donc on doit l’appliquer. Et le bonheur pour moi c’est que je les connaissais. Ils s’adorent, ils pleuraient tous les deux. Je suis heureuse de les avoir mariés ! » Pour l’instant, la mairie n’a pas reçu plus de six demandes. Le 1er secteur de Patrick Mennucci, en revanche, est le plus « gay friendly » de la ville. Sa mairie des 1/7 enregistre plus de 35 demandes émanant de couples homosexuels. Mais le député-maire socialiste devra se contenter de passer après Dominique Tian. « On s’est fait court-circuiter… », regrette-t-on au service d’état-civil.
… mais grincent des dents
Dans la plupart des cas, les célébrations se déroulent bien. Sauf à Orange (84), où la première demande de mariage a donné lieu à un véritable psychodrame dans le fief de Jacques Bompard, député maire d’extrême droite, ultra-hostile au mariage pour tous. À la réception du dossier envoyé par un couple de femmes, l’élu de la Ligue du Sud s’est empressé de demander à Anne-Marie Hautant, conseillère municipale d’opposition (Europe-Ecologie les Verts), de procéder à l’union. « Je lui avais dit en conseil municipal de ne pas compter sur moi, mais le couple voulait se marier vite et entre-temps, il y a eu la naissance d’un enfant donc j’ai dit oui », explique-t-elle. Mais après des semaines de tergiversation, elle apprend le 20 juin que Jacques Bompard… lui retire sa délégation ! C’est finalement un de ses adjoints qui a marié le couple, le 24 juin dernier.
Même parmi les plus radicaux, l’heure est désormais à l’apaisement pour les élus de la région. Si les revendications des « anti » ont été principalement portées par la droite, il y a aussi eu des exceptions. Marie-Josée Roig, maire UMP d’Avignon, s’est par exemple prononcée en faveur de l’adoption par des couples de même sexe. Le sénateur UMP du Vaucluse Alain Milon est même allé plus loin en militant pour une Gestation pour autrui (GPA) « encadrée ».
Mais après les vives tensions liées au mariage pour tous, les dispositions relatives à la GPA et à la procréation médicalement assistée attendront. Sur ce dernier point, qui devait figurer dans la loi, Robert Alfonsi, conseiller régional varois, président du groupe PS au Conseil régional, exprime une position largement partagée dans les rangs socialistes : « Il faut y aller par étapes, cette loi a bouleversé la société. Je souhaite qu’il y ait une pause, pour faire des lois économiques avant d’autres lois sociétales. On ne peut pas en permanence tenter le diable. »
Clément Barraud