Le lobby du schiste
Rien ne va plus pour l’industrie pétrolière en France : des prix record qui ne chuteront pas (environ 120 euros le baril), une demande égale à celle de 1985, des raffineries menacées de baisser le rideau… Mais dans ce long tunnel crasseux, des sirènes : celles de l’exploitation du gaz de schiste en France. C’est le message qu’est venu délivrer à Marseille, le mois dernier, le président de l’Union française des industries pétrolières (Ufip), Jean-Louis Schilansky. Dans le dossier de presse distribué aux journalistes, une brochure annonce la couleur : « Et si la France avait à la fois du pétrole, du gaz et des idées… Contribution au débat sur les hydrocarbures de schiste. »
« Les énergies fossiles vont garder une place prédominante dans le mix énergétique », croit savoir le président du lobby pétrolier, ancien cadre d’Exxon Mobile et actuel président du Medef de Paris. Il se base sur les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie, qui évalue à 18 % maximum, « pas plus », la part d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique. « Les postures idéologiques du type, "circulez, il n’y a rien à voir" sont contre-productives et vont nous faire passer à côté de ce virage primordial pour l’industrie française. » S’appuyant sur l’exemple américain, qui n’importe plus de gaz grâce à l’exploitation du schiste ce qui a sensiblement fait baisser le prix de la ressource tout en créant des emplois, il serait donc une hérésie de ne pas le reproduire en France. « Nous y arriverons », commente Thierry Monmont, directeur exploration et production à l’Ufip, en plein « débat national » sur la transition énergétique.
Mais la difficile acceptation du risque par la population et le mécontentement généré par le peu de transparence lors de l’attribution des permis de recherche sont autant d’obstacles. Les pétroliers tentent donc de convaincre que la fracturation hydraulique, le procédé d’extraction actuellement interdit en France, à évolué en bien. Les risques de pollution seraient désormais maîtrisés, même s’il reste « des améliorations » à apporter en particulier pour réduire la consommation d’eau. Les pollutions aquifères ? « Comme le rappelle le parlement européen, sur plus d’un million de fractures effectuées dans le monde "aucun cas" de contamination d’eau potable […] n’a pu être démontré à ce jour. » Et les nuisances engendrées par les multiples passages de camions, les dérivations de cours d’eau, les forages et leurs nuisances sonores ? « Nous n’avons rien à cacher, rétorque Thierry Monmont. Il faut accentuer le dialogue avec les élus locaux et la population. Se mettre d’accord, par exemple, pour que les camions ne roulent pas aux heures de sorties scolaires… » Simple comme bonjour, finalement.
Clément Chassot