Le fabuleux dessein d’Amélie…
Comme bien des régions de France éloignées des grands centres producteurs de « richesses », la vallée de la Méouge (dans les Hautes-Alpes) se bat pour exister. Certains villages ont des représentants ouverts sur l’extérieur, qui acceptent d’être remis en question et se servent intelligemment des lois pour accueillir des jeunes, leur laissant le temps de trouver comment vivre et s’installer. Ils revivent. D’autres, en général villages de villégiature et de retraités refusant toute idée jugée dérangeante, font fuir la jeunesse et s’éteignent plus ou moins lentement.
Contrairement aux jeunes des années 70 qui se jetaient dans le fromage de chèvre et le macramé sans y rien connaître, il y a maintenant toute une jeunesse qui, refusant la consommation folle, réfléchit à une façon de vivre différente de la nôtre. Une qui polluerait moins (et peut-être un jour pas du tout). Une qui leur permettrait de travailler dans des domaines où ils sont compétents. D’être heureux dans leur boulot afin de bien le faire. Une qui leur permettrait de passer plus de temps à s’écouter plutôt qu’à se battre. De passer plus de temps avec leurs enfants plutôt que de confier à d’autres leur éducation. De vivre dans des lieux qu’ils aiment.
Ils échangeraient volontiers carrière contre qualité de vie. Sans pour autant refuser le fameux « progrès », mais en le modérant. Belles idées et vaste programme direz-vous. C’est dans cet esprit qu’Amélie est arrivée.
Pleine d’enthousiasme et de compétences. Elle est posée, réfléchie, structurée, cette jeune femme. Elle a des diplômes, des idées, de l’énergie… Et c’est une rassembleuse. Il fût une époque où elle travaillait à Barret-sur-Méouge dans un grand centre d’accueil, colonie de vacances pour enfants des quartiers nord de Marseille.
Le centre a fermé en 2010. Il est à vendre. La vallée se meurt. Amélie nous rassemble donc : beaucoup de jeunes, quelques vieux. Il est possible de racheter et faire revivre ce grand lieu. Elle fait circuler un questionnaire : « Que vous manque-t-il dans la vallée ? Avez-vous des désirs, des idées pour faire revivre l’endroit ? Avez-vous envie de vous investir dans un projet en commun pour ce faire ? » Questions simples.
Depuis que je suis là, aucun politique n’a fait ce genre de sondage. Je suis étonnée par la qualité des projets proposés ce jour-là. Tous sont réfléchis : développement local, démarche participative, éducation populaire sont les trois piliers du projet collectif pour le rachat de ce grand centre – dit Alfa – où tout est déjà en place et aux normes pour accueillir des groupes, des résidences et proposer des services à la population.
Car nous sommes en zone rurale profonde : il faut avant tout rencontrer les "locaux" pour connaître le territoire. Et Amélie monte au créneau. Elle va voir les décideurs, les administrations, les associations. Elle parle, elle explique, elle se renseigne. Rien n’est laissé au hasard. Certains sont goguenards, d’autres bienveillants mais la plupart sont très intéressés. Un autre lieu est proposé à Amélie. C’est à réfléchir… Une association de préfiguration est déclarée en préfecture qui permet d’avoir un cadre juridique pendant le temps nécessaire à la concrétisation du projet. ECOLOC est son nom.
Alors, plutôt que d’ignorer cette belle jeunesse, plutôt que d’employer à tort et à travers le beau mot « utopie » et si on réfléchissait avec eux…