Le 1er mai, faîtes le travail contre le FN !
Parmi les traditionnels drapeaux et slogans caustiques du défilé des travailleurs, Cath coiffe un bonnet phrygien. Haut perchée sur ses talons carmin, jean moulant et blouson noir, elle a des allures de Marianne contemporaine. Sauf qu’elle porte un nez de clown ! « La situation est trop grave pour se prendre au sérieux » sourit-elle. Comme 24,82 % des marseillais au premier tour de la présidentielle, Cath a voté pour Jean-Luc Mélenchon. En ce 1er mai, sa petite pancarte brandie annonce « le 7 mai, j’ai abstention », seule alternative pour elle, comme pour de nombreux manifestants.
Mieux qu’en 2016, moins qu’en 2002 Avec un entre-deux-tours qui oppose un ultralibéral à une candidate d’extrême droite, la manifestation revêt des allures très politiques. Si les principaux syndicats demandent unanimement de faire barrage au Front National, à l’exception de FO fidèle à sa « neutralité », les modes opératoires divergent. La CFDT et l’UNSA, rassemblés à Fos-sur-Mer appellent à voter Macron. Pour la CGT des Bouches du Rhône « jamais aucun travailleur n’aura le moindre intérêt à voter Front National ». Mais le syndicat souligne que ni Macron, « un des principaux partisans de la loi travail », ni Le Pen, aux « discours antisyndicaux », ne sont « porteurs de progrès social ».
En tête du cortège du 1er mai, le syndicat est suivi de SolidaireS, la FSU et la CNT. Derrière eux s’enchainent salariés, retraités, anarchistes, étudiants, chômeurs, intermittents du spectacle, partis politiques gauchistes… De 11h à 12h30, ils sont 5 000 selon la police, deux fois plus selon les organisateurs, à s’époumoner du Vieux-Port à la place Castellane. C’est beaucoup moins qu’en 2002, où 30 000 (selon la police) à 100 000 (selon les syndicats) citoyens avaient battu le pavé, mais plus que l’an dernier. A coup de « Front social contre Front National ! » ou encore de « c’est pas dans les urnes qu’on fait la révolution, c’est dans la rue qu’on fait la révolution ! », les chants anti-lepeniste, voire anti-macroniste, sont privilégiés aux revendications sociales.
Marseille Insoumise toujours debout Environ cinq cent « Insoumis » ferment le cortège. C’est une première : une démonstration de force relative mais réussie alors que le PCF et Lutte ouvrière affichent une poignée de militants et que socialistes et écologistes sont absents. Nostalgiques, les « Insoumis » regardent s’éloigner derrière eux le Vieux-Port, là où trois semaines auparavant, Mélenchon avait rassemblé 30 000 sympathisants. Leur rêve d’emporter l’élection présidentielle est brisé. D’ailleurs, Christian décide de s’abriter sous son parapluie canne, orné de tract du mouvement. C’est « pour se protéger de ce qui va nous tomber sur la tête » s’amuse-t-il. Car au second tour, il faudra bien un vainqueur et « quel qu’il soit, le résultat sera dramatique ». Mais l’espoir perdure. « On est là d’abord afin de soutenir le progrès humain, ensuite pour faire valoir le programme de la France Insoumise pour le droit du travail et enfin pour faire barrage contre Macron et Le Pen » détaille Suzie. A ses côtés, Nicolas poursuit : « il faut donner le moins de crédibilité à cette élection. » Pour ces jeunes, pas d’équivoque. Ils choisiront l’abstention en fin de semaine. Tous martèlent qu’il reste « une place à conquérir » avec les législatives. Mieux : Mélenchon fait planer une candidature dans la ville. De quoi garder le sourire pour ceux qui, arrivés à Castellane, scandent « Mélenchon à Marseille, Mélenchon à Marseille ! ».
Une fatalité ? Que « nini » Si tous s’accordent sur le fait que ce 1er mai 2017 ne rassemble pas autant de monde qu’en 2002, pas question, cependant, de se laisser abattre. Bernard, adhérent à la FSU depuis 40 ans et « trotskiste » revendiqué, votera pour le candidat d’En Marche ! Il veut être de ceux qui se « salissent les mains », parce que « piégé dans la Vème République », « parce qu’il faut faire un choix ». Après, « j’irai manifester contre Macron le 8 mai à 8h » rit-il. Pour tous les partisans du ni-ni – « Ni Marine, ni Macron, ni patrie, ni patron » – l’espoir réside dans la capacité du peuple à faire entendre autrement ses idées. C’est ce que soutient Delphine, soulevant une pancarte de fortune au message philosophique : « Au pays des Lumières les plombs ont sauté. » Mais « je suis optimiste, poursuit-elle, et l’optimisme c’est d’aller dans la rue car il n’y a pas d’autres issues ». Elle espère que le quinquennat à venir sera le théâtre d’autres grandes manifestations. En attendant, la marche se termine à La Plaine où beaucoup troquent leurs bannières contre une sardine grillée par la « Chourmo » du Massilia Sound System. Parce que le 1er mai, c’est avant tout un jour de fête.
Mailys Belliot