L’affaire est dans le sac !
Sur le site de la mairie de Simiane, gros village jouxtant Gardanne (13), une vidéo invite à suivre « Pauline », jeune fille trottinant de la boulangerie au club du 3e âge en passant par le marché ou le terrain de foot. C’est propre, léché. La vie politique de la bourgade du maire (LR) Philippe Ardhuin, un ancien légionnaire, est moins lisse ! « D’emblée, il a fait disparaître, comme dans les villes FN, le drapeau européen de la façade de la mairie, note l’opposante (divers gauche) Marie-Claire Tardy. Et, dans le hall, on s’est retrouvé avec une croix. » Avec cette inscription : « Pro Patria. »
Dans le journal municipal, l’opposition « Simiane ensemble », dénonçant des conseils « à huis-clos », se demande si la ville ne va pas finir dans le « Guinness Book » pour avoir « viré 4 adjoints et un délégué spécial, retiré les 2/3 des délégations à un adjoint, sans compter un adjoint qui a démissionné ». Réplique de la majorité : « Nos opposants perdent leur contrôle dans des caricatures ironiques et outrageantes. »
Fin février, le maire s’est fendu d’une lettre s’en prenant aux « dissidents », des anciens de sa majorité qui ont constitué « Réunir Simiane » et répliqué par un tract dénonçant une « gestion autoritaire, sectaire et irresponsable ». Lors des conseils, le climat est délétère. Et on n’est pas loin de la rubrique « faits divers ».
L’affaire du sac
Mi-février, Sylvie Yérounian, ex-adjointe à la petite enfance et membre de « Réunir Simiane », oublie, à l’issue du conseil municipal, son sac. C’est le maire, lui dit-on, qui l’a trouvé. Mais, en se rendant à l’hôtel de ville puis au domicile de l’édile, elle ne parviendra pas, dit-elle à la gendarmerie, à le récupérer. Elle porte donc plainte pour « vol ». Et ne remettra la main dessus que 10 jours plus tard. A l’intérieur, des documents. Dont certains destinés à Anticor. Visiblement suffisamment intéressants pour que l’édile contacte le représentant local de l’association de lutte contre la corruption !
Interrogé, le maire s’esclaffe : « Je n’ai fait que suivre la procédure ! Quand j’ai trouvé ce sac, je ne savais pas à qui il appartenait. Sinon qu’il contenait pas mal de documents me concernant. Je l’ai donc mis dans le coffre de la mairie avant de l’amener le lendemain à la gendarmerie. C’est là que j’ai appris que Mme Yérounian avait porté plainte. Et si j’ai contacté Anticor, c’est pour discuter des documents transmis. »
Il faut dire qu’il y a, semble-t-il, à Simiane quelques dossiers « épineux ». Comme celui de la crèche. Lors du conseil du 22 mars, sa gestion a été confiée à « Bulles et billes ». Si l’opposition s’est prononcée contre, la majorité a voté comme un seul homme. Notamment l’adjoint Léonard Baldocchi. Dont la compagne est la nouvelle directrice de la crèche « Bulles et Billes » de Simiane.
Cavalcade de dossiers
Depuis des mois, cette question nourrit les échanges entre le maire et ses opposants. Lors du conseil de décembre, Ardhuin explique qu’après avoir appris à la fin de l’été que la directrice de la crèche partait en retraite, « afin d’éviter toute suspicion de favoritisme et compte tenu qu’une épouse d’un adjoint avait candidaté, j’ai contacté "Bulles et billes" pour savoir si le remplacement était pourvu et à défaut, de procéder aux entretiens de recrutement avant l’attribution de la délégation de service public ». De quoi interloquer l’opposition. Mais aussi son futur-ex adjoint aux finances, Michel Boisramé, qui, avant de démissionner, a prévenu « La Maison Bleue », l’autre candidat à la gestion de la crèche. Une « tentative, selon le maire, de truquer un marché public » ou de « jeter l’opprobre sur la majorité ». Il a porté plainte pour « dénonciation calomnieuse ».
Et Philippe Ardhuin de grimacer : « Il se voit comme un "lanceur d’alerte". Moi comme un « corbeau ». Si j’ai appelé "Bulles et Billes" avant les discussions sur la DSP, c’est justement pour éviter toute suspicion. Car si j’avais voulu les favoriser, il m’aurait suffi de suivre l’avis de la commission d’appel d’offres qui s’était prononcée en sa faveur. Et puis, vu les difficultés à recruter dans la petite enfance, vous croyez que la personne embauchée a eu besoin d’un piston ? »
Autre dossier ? E3, une association jadis présidée par le maire et toujours domiciliée chez lui. Qui, en 2016, commande à un artiste une fresque, « la Cavalcade de la St-Eloi ». Pour cela, E3 obtient du Département et de la Région 4 000 euros de subvention. Sauf que la fresque n’a coûté que « 2 800 euros ». De quoi soulever quelques interrogations de la part de la trésorière qui finira par rendre son tablier. Hésitant, avec son collaborateur, sur le montant des subventions et le coût de la fresque, le maire, assurant que « tout a été fait dans les règles », rappelle que « la trésorière, c’est l’épouse de l’ex-adjoint aux finances ».
Sans surprise, le conseil du 29 mars a été passablement agité, notamment sur le budget mais aussi sur le devenir d’un bâtiment acquis, à l’origine (avec le soutien des collectivités) pour y installer la police municipale mais qui va, désormais, accueillir aussi un garage mécanique. A deux ans des municipales, pour l’ancien militaire comme pour son opposition, grandes – et petites – manœuvres sont déjà engagées. « Ils ont commencé trop tôt », souffle le maire. Et, en prenant congé, une photo de la Légion dans le dos, il lâche : « Vous savez, les Druzes et les Khmers Rouges m’ont pas eu, alors… »
Sébastien Boistel
Enquête publiée dans le Ravi n°161, daté avril 2018