La télé qui met la main au Panier
Tabasco Vidéo est vraiment « pas pareille ». Pas seulement parce qu’elle est née au Panier, le quartier de « Plus belle la vie » et du multi-mis en examen Jean-Noël Guérini. Mais aussi et surtout parce que cette télé participative, non contente d’être résolument méditerranéenne (ce qui n’a rien d’étonnant quand on voit leurs locaux à la Joliette, avec vue sur la mer), s’investit à la fois sur le web et sur le… papier ! D’ordinaire, ce sont plutôt les journaux qui tentent, avec plus ou moins de bonheur, via leur site internet, de jouer à la télé.
A l’instar de Primitivi (Cf le Ravi n°149), Tabasco Vidéo, née à la veille de l’an 2000 autour d’un collectif de « réalisateurs et de formateurs », comme nous l’explique Benoît Perrier, a voulu interroger les transformations de la cité phocéenne. D’où, par exemple, une fiction, « C’est pas joli joli » (en référence à un célèbre feuilleton…), réalisée avec, au scénario et en guise d’acteurs, des habitants du Panier qui racontent la résistance d’un quartier face à ce qu’on veut lui faire subir. « Ça se voulait assez militant et même un peu grinçant, raconte Benoît. Par exemple, la société immobilière à la manœuvre s’appelait "Urodem"... »
Journalisme citoyen méditerranéen
Un travail que la télévision a, depuis, prolongé, notamment avec un webdoc, « Et le Panier, dans tout ça ? » -regards croisés d’habitants, de primo-arrivants et de jeunes- et en l’étendant à d’autres quartiers de la ville. De surcroît, avec « Fatche 2 » (pour « fabrique artisanale de tchatche »), la télé a voulu marier la vidéo et le papier afin de raconter les questions soulevées par les mutations urbaines qui se jouent de ce côté-ci de Marseille : la Joliette, Euromed et bien entendu, l’inénarrable Rue de la République : « Nous avons décidé d’en passer par le papier parce que cela permet de maintenir un lien », souligne-t-on au sein de la télé participative. Ce qui n’empêche pas le média de faire feu de tout bois pour croquer la ville sous toutes ses coutures : la vidéo, bien entendu, le texte, évidemment, mais aussi la photo, le son, le dessin…
Et si, pour tisser ses liens, Tabasco continue de manier l’outil audiovisuel, elle a décidé, grâce à la toile, de passer à la vitesse supérieure. « On a mené des ateliers de journalisme citoyen en Méditerranée, principalement en Italie et en Tunisie, en formant des jeunes aux outils vidéo et en réalisant des reportages sur les deux rives. Et là, nous lançons, avec nos collègues italiens de Babel Med, mais aussi le webzine tunisien Inkifada et le site webm libanais Mashallah News, une plate-forme numérique sur les résistances culturelles et urbaines en Méditerranée ». Nom de code ? WAR pour « Web Arts Résistance ».
Des initiatives pour résister
Comme l’a détaillé Cristiana Scoppa, de « Babel Med », le projet « est de mettre en avant des initiatives culturelles et urbaines qui ont valeur de résistance, comme par exemple ce squat à Rome où vivent des Roms et qui, petit à petit, grâce à l’intervention d’artistes, est devenu un véritable musée. Avec l’idée, derrière, que les habitants deviennent aussi intouchables que les œuvres d’art. Mais aussi d’interroger la place de l’art dans nos vies et dans nos villes, de ce côté-ci de la Méditerranée comme de l’autre ».
Une thématique qui, à Marseille, ne peut que faire écho avec ce qui s’est passé en 2013 avec la capitale européenne de la culture et le mauvais remake qui s’annonce en 2018. D’ailleurs, lors de la réunion de présentation de « WAR », début mars, dans les locaux de Tabasco, on trouvait, autour de la table, outre les partenaires de la plate-forme, « Boulègue », la télé participative du 3ème arrondissement, « Télé Mouche », celle d’Aubagne mais aussi « 15-38 Méditerranée », le nouveau site d’information. Et, bien évidemment, le Ravi et Médias Citoyens Paca… Autant dire que si l’on savait depuis longtemps que le tabasco servait à relever un plat, nous ne nous doutions pas à quel point il pouvait servir de liant.
Sébastien Boistel
En savoir plus : www.tabascovideo.com & www.artsresistance.net
Article publié dans le Ravi n°150, daté avril 2017