La Maison commune de Cavaillon
« Des pov’gens, y’en a pas qu’à Marseille ou Avignon… », s’indigne Thierry, habitué de la Maison commune (1) de Cavaillon (84) et ancien chauffeur de poids lourds désormais invalide au visage marqué par l’alcool. Inaugurée en juillet dernier par le préfet de Vaucluse, cet ancien hangar de 320 m – maintenant partagé entre trois associations (le Village, le Secours populaire et les Restos du cœur) – a ouvert en décembre 2013. A la base du projet, le manque cruel d’un lieu d’accueil de jour en centre ville à Cavaillon, où plus de 1000 foyers vivent du RSA. « L’objectif : rompre l’isolement, offrir une aide alimentaire, sanitaire et vestimentaire », explique Vincent Delahaye, directeur du Village, lieu d’accueil inconditionnel et chantier d’insertion situé dans la campagne cavaillonnaise.
« C’est une première en France de mutualiser un lieu comme celui-là entre trois associations. Il y a déjà eu des expériences, qui n’ont pas abouti », s’émeut Gérard Gouin, président des Restos du cœur 84, qui auparavant n’organisait pas de distribution à Cavaillon. Le Secours populaire assure lui la vente de vêtements entre 50 centimes et 2 euros. « On vient prendre un café, une douche, discuter tout simplement. On a été tout de suite très surpris par l’affluence », affirme Thomas, l’un des deux éducateurs à gérer le lieu. Ahmed, grand gringalet d’origine marocaine est plâtrier « mais [il] ne trouve pas de travail. J’ai besoin de voir du monde, avant j’allais à la mosquée, ici c’est top ! » Il n’est pas peu fier non plus d’avoir participé aux travaux sous la coupe du chantier d’insertion du Village et de l’association d’éco-construction Apte (1). Côté finances, environ 35 000 euros proviennent de l’Etat et des collectivités, 30 000 de la fondation du Crédit agricole, les 15 000 restants étant autofinancés par les trois associations.
Dans son discours, le préfet Yannick Blanc qualifie le projet de « rare » et ses acteurs de « pionniers » : « C’est le prototype de ce que sera l’action associative demain », en assurant qu’on peut faire beaucoup avec des moyens limités. Sous-traiter le social à l’associatif ? « L’administration a ses lourdeurs, on ne sait pas faire, confie-t-il en privé. Les pouvoirs publics sont là pour accompagner. » Ce qui fait grincer quelque peu les dents de Vincent Delahaye : « Des besoins vitaux comme se loger, manger, devraient relever des politiques publiques. La solidarité, c’est très bien mais elle a ses limites. Elle ne doit pas dépendre du bon vouloir des gens, qui peuvent y avoir un intérêt… »
Clément Chassot