La Macronie contre les médias
L’heure est grave. Sinon l’Insoumis François Ruffin n’aurait pas signé un texte intitulé « La bataille de l’info ». A en croire Mediapart, il aurait été espionné par LVMH ! Comme l’écrit notre patron de presse de député, tout en s’enorgueillissant d’avoir reçu le soutien « d’à peu près toutes les sociétés de journalistes », « mon cas n’est qu’une mini-pièce d’un vaste puzzle ».
Il n’est pas le seul dans le viseur. Et à s’inquiéter : prolongeant son appel « Réapproprions-nous les médias », Acrimed organise début juin à Paris une rencontre « Médias et gilets jaunes » dans le sillage du dernier Médiacritique(s) et son dossier « Médias et violences policières ».
En mai, une petite dizaine de journalistes ont été convoqués pour avoir osé faire leur boulot, c’est-à-dire enquêter ! Des procédures dénoncées par les syndicats mais que justifie le président de la République au nom de la « sécurité nationale » affirmant qu’« en France, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de liberté d’informer ».
Malgré le secret des sources, la journaliste du Monde, Ariane Chemin, a été convoquée par la Direction générale de la sécurité intérieure pour « atteinte au secret de la défense nationale » suite à ses révélations dans l’affaire Benalla. D’autres journalistes ont subi le même sort, eux pour leur travail sur les ventes d’armes par la France au Yémen. Parmi lesquels, plusieurs du site Disclose.
Depuis quelque temps, le monde de l’investigation est en ébullition. Au point que des cellules éponymes apparaissent. Une dénomination qui interpelle. L’enquête étant censée être la base du métier, on imagine mal une cellule « communiqué de presse ». Le succès de Mediapart et les fuites à grande échelle ont modifié le paysage. En tête aussi, les outils, en témoigne le site Reflets.info, né de la collaboration entre un journaliste et un hacker.
Disclose – « révéler », en anglais – a mis récemment un coup de pied dans la fourmilière. En frappant très fort avec leur première enquête. Mais aussi à travers un modèle inédit que nous explique Philippe Pujol, « parrain » marseillais du site : « Des médias, il y en a beaucoup et la plupart en difficulté. Or, la première chose qui est sacrifiée – car ça coûte cher, ça prend du temps et ça ne rapporte pas tant que ça – c’est l’enquête. Et il est illusoire de reproduire le modèle de Mediapart. Voilà pourquoi Disclose est un média dont les enquêtes sont accessibles gratuitement mais dont le financement repose sur quelque chose, au final, de presque macroniste : la défiscalisation ! »
En clair, des « dons, de particuliers mais aussi de fondations, à l’exclusion de celles d’entreprises. Avec une séparation claire entre ceux qui financent et ceux qui enquêtent ». Pour l’heure, comme le détaille le cofondateur Geoffrey Livolsi, après une levée de fonds de « 82 000 euros », le site a récolté cette année « 9000 euros de dons » et obtenu le soutien d’un « Monde par tous, une branche de la Fondation de France », des discussions étant en cours avec d’autres fondations (1).
En plus de ses enquêtes sur des sujets d’intérêt public (délinquance financière, santé, environnement…) diffusés auprès de médias partenaires (dont Marsactu), Disclose va au-delà de son rôle de média. Notamment en faisant du « plaidoyer pour la transparence, notamment l’accès à certains documents » mais aussi en « épaulant des ONG qui peuvent s’appuyer sur notre travail, comme cela a été le cas avec le référé pour empêcher un cargo d’accoster afin d’embarquer des armes vers l’Arabie Saoudite ». Un autre cargo devait, lui, faire un crochet fin mai par… Marseille !
Au regard de la charte du journaliste qui indique que celui-ci ne « confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge », une certaine forme de mélange des genres ? Nos confrères assurent que non. Et Pujol de préciser : « On ne donne pas nos infos à la police ou à la justice. Mais on sait que notre travail est utilisé. Et qu’un journaliste peut être convoqué pour témoigner. » Sauf qu’en ce moment, les convocations sont d’une toute autre nature ! Pour Geoffrey Livolsi, « il y a une volonté établie de contourner les lois qui protègent la liberté de la presse et d’intimider les journalistes d’investigation ». C’est vrai qu’en France, les journaux, c’est pour emballer le poisson et les dons, pour Notre-Dame de Paris !
1. Vous pouvez aussi faire un don, défiscalisé, au Ravi. Et vous abonner, ce qui devrait être remboursé par la Sécurité sociale !