La justice traîne
Le rendez-vous était particulièrement attendu des familles des huit morts dans l’effondrement des deux immeubles de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018. Vendredi 18 octobre, elles ont été longuement reçues par les magistrats qui instruisent le dossier. Si les juges n’ont annoncé aucune mise en examen, les familles ont, par contre, été rassurées par leur volonté d’aboutir. « La remise de l’expertise chargée d’établir les responsabilités a été repoussée au 31 mars, explique Maître Chantal Bourglan, avocate d’une des victimes, qui avait fuit le 65 rue d’Aubagne quelques jours avant l’effondrement. C’est révoltant pour les victimes mais elles comprennent que les juges ont tellement conscience des intérêts en jeu qu’ils veulent éviter toute remise en cause de la procédure. »
L’enquête judiciaire suit donc sont cours mais la lutte contre les marchands de sommeil par contre patine. Pour l’instant un seul propriétaire a été perquisitionné et entendu (La Marseillaise, 20/09). Pour le substitut en charge du dossier, la stratégie est la même que celle des juges d’instruction de l’enquête sur l’effondrement des 63 et 65 rue d’Aubagne : border au mieux ces affaires. La seule différence, c’est le manque de moyens mis à la disposition du parquet. A Marseille, ce substitut est le seul procureur en charge de cette question et ne dispose que d’un officier de police judiciaire pour le suppléer. Une situation qui inquiète les associations accompagnant les délogés. Elles dénoncent également l’inertie du Golhi (Groupement opérationnel de lutte contre l’habitat indigne). Créé en 2011 et regroupant mairie, police, services sociaux, associations et justice, il a été relancé en début d’année via une expérimentation nationale mais ne s’est toujours pas réuni (1).
Autre problème, l’indemnisation des délogés. Certains vivent toujours en hôtel, des affaires ont été volées ou détériorées pendant leur absence. « Les plaintes ont souvent été classées sans suite et les indemnités sont très insuffisantes voire inexistantes, insiste Aurélien Leroux, avocat d’une trentaine de délogés. Ça va jusqu’à 4 000 euros, alors que pour des accidents de voiture elles peuvent monter à 8 000 euros. Pour les juges, le fait qu’il n’y ait pas de loyer à verser est largement suffisant. »
De nouvelles procédures, notamment pour mise en danger d’autrui, sont en cours d’examen. Explication de Chantal Bourglan : « Les gens sont aujourd’hui dans une phase où ils sont en train d’émerger. Ils reviennent nous voir pour se faire reconnaître en tant que victimes, pour se reconstruire. »
1. Contactée, la préfecture n’a pas répondu à nos questions.