La Canebière, des alter…
Nom de code ? Alternatib’aïoli. Le slogan ? « Les sardines nous remercieront. » Car, si rien ne change, en 2050, le Vieux-Port sera sous les eaux. Parti de Bayonne, le « barnum » Alternatiba, un tour de France écolo-festif qui veut changer « le système, pas le climat », passe ce mois-ci par la région. Avec une grosse étape à Marseille.
Eric Faïsse, de « Eau bien commun », en parle avec des étoiles plein les yeux. Face à l’échec en 2009 du sommet de Copenhague, les Basques de Bizi ! ont décidé de promouvoir les initiatives « citoyennes » contre le dérèglement climatique. Fin 2013, à Bayonne, le premier « village des alternatives » Alternatiba réunit 12 000 personnes. Avec, pour marraine, la veuve de Stéphane Hessel, appelant à en organiser « dix, cent, mille ».
Or, pour ce faire, dixit Eric Faïsse, « est mis à disposition un guide méthodologique où tout est prémâché » (1). Depuis, avant la Cop 21, la conférence sur le climat en décembre à Paris, il a été décidé de lancer, sur le modèle de l’Alter-Tour organisé par des proches de la revue écolo S!lence, un tour en tandem de 5000 km (2). Si, en Paca, la sauce a mis du temps à prendre, les militants sont désormais mobilisés avec un calendrier serré de réunions réunissant jusqu’à cent personnes, l’une d’elles s’étant même tenue au… Conseil régional !
La collectivité déroule le tapis « vert » à Alternatiba. Au-delà de la conférence de lancement à la Villa Méditerranée, la Région compte accorder aux deux éditions en Paca (Marseille et Nice) « 50 000 euros » et « 250 000 euros à une vingtaine de projets luttant contre le réchauffement climatique », confirme la vice-présidente (EELV) en charge de l’environnement, Annick Delhaye. Et ce « sans contrepartie autre que notre logo ».
« A-partisan » mais pas apolitique
Même si Alternatiba est à l’aise avec l’utilisation « pour l’intérêt général » d’argent public, cela n’est jamais sans débat. A Marseille, il y a eu comme un flottement quand « Vivons solaire », un projet que la Région va présenter à Alternatiba, a failli être retoqué du fait de la présence, parmi les partenaires, d’ERDF-GDF. Grimace d’un organisateur : « La Région couvre les deux tiers de notre budget, donc… » Et soupir d’un autre : « Si on n’avait pas parlé d’EDF, ce serait passé comme une lettre à la poste. Et si on était tous à Enercoop, ça se saurait ! » Après avoir apporté son soutien, la rappeuse marseillaise Keny Arkana a décidé de se retirer d’une manifestation qu’elle jugerait, selon des proches, « trop institutionnelle »…
En attendant, le souci, ce n’est pas tant l’argent promis que celui qui manque : « Le vote de la Région, ce sera en juin. Or, avouent les organisateurs, c’est maintenant qu’on a besoin d’argent ! » Pour embaucher un régisseur, une chargée de com. D’où l’appel à toutes les bonnes volontés. Au risque de ne pas être très regardant ? A l’AG de mai s’est invité Bernard Beck, le patron de « Mo-Bee », une sorte de « bourse » aux bénévoles (3), assurant pouvoir en mobiliser jusqu’à « 3000 » ! De fait, Alternatiba attire des militants et des organisations de tous bords. Et parfois, ça tiraille. L’édition lilloise a failli ne pas se tenir, du fait de la présence, parmi les organisateurs, de « Gentils virus », des militants proches d’Etienne Chouard, blogueur n’ayant lui-même pas caché sa proximité avec Alain Soral.
Or, lors d’une des premières AG à Marseille, on note la présence d’une militante des… Gentils virus. Sur leur site, en Paca, Alternatiba est en tête de l’agenda. Mais, à Avignon, à part une militante qui, « à titre individuel », fera du « théâtre forum », les « GV » nous expliquent, en substance, qu’Alternatiba, ce n’est pas la priorité. Ils préparent en effet, en marge du festival cet été, une manifestation intitulée « Destination démocratie »…
En attendant, par prudence, Alternatiba à Marseille s’est dotée d’une commission « éthique et politique ». Mais qui, d’après l’un de ses membres, « n’est pas là pour enquêter sur les gens ou les projets mais pour soumettre à tous ce qui pourrait poser problème ». Comme le jeu proposé par « Nouvelle Donne », une organisation qui, quoique parfois présentée comme un « collectif citoyen apolitique », a participé aux dernières élections. De quoi susciter l’ire de certains. La solution ? Le projet aura droit de cité. Mais sans étiquette. Même « punition » pour les « Jeunes écolos » : « On distribuera nos tracts en cachette », rigole l’un d’eux. Emblématique : lors de la soirée de lancement, c’est François Hamy, figure d’EELV, qui présentera l’étape aixoise d’Alternatiba. En tant que membre du « collectif climat du pays d’Aix ».
Pascal Hennequin, pilier d’Alternatib’aïoli (et membre de la télé Fokus 21), assume : « Notre initiative est a-partisane. Mais pas apolitique. On est vigilant face aux sectes – on nous a alerté à propos de la Nouvelle Acropole – et on refuse la présence d’organisations ou de militants politiques en tant que tels. Mais chacun peut venir comme simple citoyen. » Même des militants du FN…
Fort heureusement, lorsqu’on demande à Tanguy Vernay, le patron à Carpentras du collectif « Nouvelle Ecologie », la branche « verte » du FN (4), s’il compte s’investir dans Alternatiba, il nous répond : « Je ne sais pas ce que c’est mais je vais regarder. Vous savez, on est pas mal occupé… » Pourtant, des fours solaires, ça devrait intéresser, au FN !
Sébastien Boistel
1. le Ravi n°119
2. Si l’Alter-Tour a lui aussi pour thème le climat, d’après S!lence, qui connaît bien Alternatiba, il n’y a pas là concurrence.
3. Lire « La bourse ou la vie » dans le Ravi n°122
4. le Ravi n°128