Je suis une ZAD à moi tout seul
David serait-il un peu « perché » ? Pas seulement parce que ce quadra au visage taillé à coups de serpe s’appelle Escalier et qu’il a un passé de teufeur ayant bossé avec Médecins du Monde. Mais surtout parce que ce jardinier-paysagiste aime tellement les arbres qu’il passe son temps à grimper dedans pour éviter qu’on ne les coupe. Une technique qu’il a apprise « sur le tas » et qui permet de retarder un chantier pour rameuter militants et médias.
C’est presque une déformation. Comme à la Belle de Mai où il ne peut s’empêcher de tiquer quand le barman distribue sans compter les verres en plastique. « C’est mon père, d’origine aveyronnaise, qui m’a transmis l’amour de la nature », raconte-t-il. Né en Lorraine, il a grandi dans l’arrière-pays niçois où, tout petit déjà, il adorait « grimper dans les arbres ».
Mais « c’est en 1998 avec Greenpeace et la lutte contre les OGM que j’ai ouvert les yeux », se souvient celui dont « le plus gros regret » est de ne pas avoir été au « contre-sommet de l’OMC, à Seattle. J’étais devant ma télé à me dire que ma place, c’était d’être là-bas, pas dans mon salon devant TF1 ». Depuis, il a été de toutes les actions à Gènes, en Ecosse, en Suède…
Pas étonnant alors que, après avoir fait ses armes avec les faucheurs volontaires, après avoir connu les TAZ (les zones d’autonomie temporaire), il soit un adepte des ZAD, les « zones à défendre » popularisées par les luttes contre l’aéroport de Notre-Dame des Landes ou le barrage de Sivens. De la défense, en janvier, du square marseillais Michel-Lévy à celui de l’îlot Chanterelle en mars, David Escalier multiplie les ZAD. Au point, en février, d’initier la sienne pour s’opposer à la Linéa, un projet de rocade reliant Saint-Mitre à Allauch. « Cela fait des mois que j’y réfléchissais. Mais je n’ai pas agi seul… »
Sauf qu’en ce moment, militant à Greenpeace depuis dix ans, « activiste » depuis 2009 en charge des questions liées à l’agriculture en Paca, il se sent « un peu seul. Avec les beaux jours, difficile de trouver des volontaires pour monter des actions ». Ça ne l’empêche pas d’avoir un agenda de ministre. Ni d’être à la fois la bête noire des politiques tout en étant un interlocuteur incontournable.
Il est 22 heures. David Escalier a encore rendez-vous avec deux bénévoles du festival « Etang d’Arts » puis avec des militants anti-nucléaire de Bure. « Je suis sur le terrain de 6 à 23 heures, sept jours sur sept. » Seul regret ? « Ne pas avoir eu d’enfant qui serait fier de voir son papa se battre. En même temps, je le plaindrais de grandir dans le monde tel qu’il est. Même s’il n’est pas trop tard pour changer les choses ! » C’est ce qu’on appelle prendre de la hauteur, non ?
Sébastien Boistel