« Je fais l’opposant, sinon vous allez vous ennuyer ! »
« Présent !» répond à l’appel, haut et fort, Ferdinand Bernhard, maire sans étiquette de Sanary-sur-Mer, afin de mieux souligner l’absence de son farouche opposant et candidat pour 2014, Olivier Thomas (UMP). «Pff, c’est nul ! Ça va être beaucoup moins drôle ! », lance un chauve dans le public. La salle polyvalente fleure bon la naphtaline et le botox. Et comme le maire propose un « after » avec pastis, whisky et chips, les plus pique-assiettes étant souvent ceux qui ont le frigo plein, il y a foule !
18h10
Le conseil municipal de Sanary c’est un peu « Au théâtre ce soir ». Ferdinand Bernhard, costume gris clair et cravate bleue, trône au centre d’une table disposée en U face à son public. A sa droite, Patricia Aubert, 1ère adjointe déléguée « à la communication, à la questure et à la préparation du conseil municipal » (sic). Elle ouvre la séance. Le maire l’interrompt : – « On dirait que la première adjointe a un problème d’élocution… » – « Non, j’ai un bonbon dans la bouche », répond cette dernière en gloussant.
18h15
Le maire explique que quatre logements sociaux seront construits au milieu d’autres logements privés. « Au-delà des mots, il y a des actes qui se concrétisent », insiste le premier magistrat dont la ville n’est pas vraiment en règle avec la loi SRU (cf encadré). Ça piaille dans la salle. Monique et Josiane, assises au premier rang du public, votent « pour », « mais bon… »
18h23
On passe aux subventions des associations culturelles. « Chorale Arc-en-ciel, 300 euros… Ecole de musique, 50 000 euros… », annonce l’adjointe. « Y a-t-il une raison particulière pour que l’école de musique touche une telle somme ? », demande timidement l’élu d’opposition UMP Gérard Vernières, cheveux blancs et couperose qui devra se contenter d’un « Eh oui, la culture coûte plus cher que le sport !» du maire. L’opposition vote finalement « pour ». Ferdinand Bernhard de rajouter : « Monsieur Vincenzini [ndlr : élu d’opposition PS] vous m’inquiétez, je pensais que vous alliez vous abstenir ! » Et de conclure : « Ah ! j’entends dans les rangs quelqu’un qui dit : "il évolue" ! »
18h27
Délibération numéro 33. « Il s’agit d’un vote binaire. Vous dites si vous êtes "pour" ou "contre" », précise la première adjointe. « C’est une atteinte à la démocratie de ne pas pouvoir s’abstenir !, taquine le maire. Je plaisante ! Je fais l’opposant sinon vous allez vous ennuyer !»
18h33
On passe à la fiscalité directe locale, là Don Ferdinand ne rigole plus et monopolise la parole sur son axe de réélection : « Contrairement à ce qui a été constaté ici ou là par des gens qui disent avoir des compétences en la matière alors qu’ils n’en ont aucune, Sanary reste la ville du Var où la taxe d’habitation est la moins chère. » Sa voix monte d’un ton en show man qu’il est, il ajoute : « La taxe professionnelle va baisser de 22 %. Nous avions le choix de le faire en douze ans mais finalement nous le ferons en trois ans ! » Un « Wahou » soulève le public. On a le sens du spectacle ou on ne l’a pas… L’opposition vote « contre ».
18h45
Un intervenant rejoint la table du conseil pour présenter sur power point, l’intercommunalité Sud Sainte Baume que rejoint Sanary. Les conseillers regardent l’écran. Patricia Aubert regarde le néon. Ferdinand Bernard donne des explications annexes et fait la discipline : « Monsieur Carpentier, vous pouvez répéter ce que je viens de dire ? », lance-t-il à l’élu délégué à la police municipale, occupé à discuter avec sa collègue.
18h57
«Certains disent qu’il dort, monsieur Brondi, mais non ! », plaisante le maire concernant l’adjoint délégué aux services techniques assis à sa gauche qui fait remarquer l’oubli de la délibération sur le réseau d’assainissement. « Nous passons donc à la délibération numéro 36 qu’on a malencontreusement sautée… euh… la délibération ! », ajoute Patricia Aubert.
19h09
Michel Sacher, directeur du Cyprès Paca (Le Centre d’information pour la prévention des risques majeurs) prend place à la table du conseil pour expliquer le plan communal de sauvegarde : « Les risques majeurs à Sanary ce sont les inondations, les feux de forêts, les conduites de gaz, les risques de neige… »
19H13
Le premier magistrat fait remarquer au spécialiste – avec un petit rire narquois – qu’il a oublié de parler d’un point « important » : « Eh oui, monsieur Sacher vous auriez dû leur dire que nous sommes ville pilote… pour le tsunami ». Tension dramatique et gros brouhaha dans la salle, Monique et Josiane sont inquiètes. « Je n’ai pas osé parler de ça, mais Sanary – avec Bandol et Six-Fours – est effectivement soumise au risque Tsunami », répond le spécialiste. Mais pas de panique c’est si et seulement si il y a un séisme sur les côtes algériennes, et puis les vagues ne devraient pas dépasser quatre mètres et les habitants auront une heure dix pour fuir… « Si vous êtes emportés par le tsunami, au moins vous savez… euh vous saurez qu’il fallait être au dessus de quatre mètres et pas au bord de l’eau ! », trouve bon de rajouter le maire qui galère avec la concordance des temps.
19H17
Délibération concernant les subventions pour l’environnement. Ferdinand Bernhard en profite pour reprendre la parole : « Permettez-moi de faire un petit aparté. » Sa langue fourche et on comprend « apartheid ». S’ensuit un long soliloque durant lequel Il évoque une vidéo qui lui a été adressée – « par erreur, parce que sinon ça serait par provocation… », ironise-t-il – par l’Association de défense des Sanaryens dont le président est Olivier Thomas [ndlr : l’ADS devient un parti politique pour 2014] dénonçant la création du futur casino sur un site remarquable (lire « Faites vos jeux, rien ne va plus », le Ravi n°97). Le premier magistrat apparente cette manière de faire à celles des « nazis et des staliniens », rien de moins !
19H23
Arielle Sarrazin, déléguée aux « élections, à l’état civil, aux cimetières et aux balcons fleuris » (sic) s’interrompt, dérangée par la 1ère adjointe qui badine avec le maire, et vas-y que je te donne une pitchinette sur l’épaule, que je rigole à tes blagues, que je bouge les cheveux, que je minaude…
19H32
On passe au vote de la suppression d’un poste d’adjoint en école maternelle. « Y a-t-il des avis défavorables ? », demande Patricia Aubert. « Attendez, attendez, rebondit le maire, je vous signale quand même qu’il s’agit de la suppression d’un poste. Si dans un souci de simplification administrative, voire "d’un choc de simplification", l’Etat pouvait éviter de nous poser ce genre de questions, ça nous ferait gagner du temps […] Ne pas émettre d’avis ce serait au moins une façon de dire que ce n’est pas la peine de le demander… » « Du coup nous nous abstenons », annonce la 1ère adjointe. « Vous voyez monsieur Vincenzini, je vous ai bien aidé ! », lance le maire à l’élu d’opposition PS.
19H42
A trois minutes de la fin, alors que Ferdinand Bernhard est reparti dans un énième monologue enflammé, le public, lui n’est concentré que sur une chose : la picole !
Samantha Rouchard