« J’adore les kebabs, moi ! »
10h25
« Vous pouvez vous asseoir, les chaises ne sont pas encore minées ! », lance, sourire aux lèvres et col de polo relevé, Raoul Boyer, élu FN, à la journaliste du Ravi.
10h32
Les deux élus d’opposition de la liste PS, Édouard Baldo et Lucien-Alexandre Castronovo s’installent. Sophie Joissains, fille de sa maire, cheveux tirés et air strict, fait son entrée. L’adjointe multi-casquettes aux arts, à la politique de la ville et à la prévention de la délinquance, feue conseillère régionale d’Estrosi déléguée à la Culture, caresse le dos de Gérard Bramoullé, physique d’Adamo, premier adjoint délégué aux finances.
10h38
Maryse Joissains brille par son absence, retenue auprès de Renaud Muselier pour la mise en place du contrat de région, « avec des enjeux financiers importants pour notre commune », explique le premier adjoint. Avant de poursuivre : « Si vous ne voulez pas déjeuner à 14 ou 15 heures, je vous demande le silence ! » Il désigne Gaëlle Lenfant, élue d’opposition PS comme secrétaire de séance. « Je suis ravie », lance l’ancienne conseillère régionale avant de débiter à vitesse grand V la liste des élus.
10h46
Question orale de Raoul Boyer sur les déjections canines. Bramoullé enchaîne sur le rapport de la CRC qui selon lui « dans l’ensemble est plutôt favorable sur les aspects financiers et fiscaux ». Castronovo l’interpelle sur le transfert des compétences à la métropole et notamment sur le choix de la ville de racheter les parkings via sa société d’économie mixte : « une soustraction délibérée à la métropole de ses équipements », note le rapport. Vente à laquelle le groupe PS s’était opposé. Dossier pour lequel le préfet de région avait saisi le tribunal administratif de Marseille. « Le pourvoi en cassation auprès du conseil d’État a été reçu. Ça veut dire qu’il a considéré que notre argumentaire était important », souligne Bramoullé. Castronovo de recadrer : « Ce qui n’induit pas une décision favorable. En actant la recevabilité, le conseil d’État estime qu’il y a matière à s’intéresser à ce dossier, ce qui ne préjuge pas du résultat final. »
10h50
Castronovo souligne les « errements » dans la gestion des ressources humaines – spécialité aixoise s’il n’en faut – pointés du doigt par le rapport. « Nous avons à chaque fois des éléments de réponse là-dessus, qui ont été "concoctés" par nos services », rassure le premier adjoint. Castronovo insiste, précisant que la CRC note un recours abusif aux emplois « saisonniers, occasionnels et de remplacement », indiquant que les heures légales ne sont pas effectuées par les agents, soit 54 heures non travaillées dont le coût est estimé par la CRC à 2,4 millions d’euros par an. Auxquelles s’ajoute un nombre d’heures supplémentaires qui dépasse les quotas pour un coût estimé à 1,6 millions d’euros en 2014. Bramoullé explique que depuis 2009, 25 % des jours de congés ont été réduits : « C’est pire que Jupiter ! On demande un peu plus de souplesse, sinon tout le monde va démissionner comme notre chef d’État-Major ! » La discussion se poursuit entre les deux élus. Sophie Joissains regarde les moulures au plafond. Gérard Deloche, délégué aux anciens combattants, discute avec des gens du public, haut et fort.
11h00
Hervé Guerrera, Partit occitan, enfonce le clou et attaque sur « la vente calamiteuse » de l’ancien office de tourisme finalement détruit pour laisser place aujourd’hui à une boutique Apple. Il poursuit avec la vente de l’Hôtel de Caumont, « un cadeau de près de 800 000 euros fait à GDF Suez Culturespace qui n’aura jamais à les rembourser », note avec véhémence l’élu d’opposition. « Pas d’autres remarques ? Non ? On peut passer à autre chose ? », lance Bramoullé. Brouhaha dans la salle. « Vous voulez que je réponde ? Mais on va perdre notre temps… », finit par s’exécuter le premier adjoint, se défendant « d’un rapport pas si sévère » puisqu’ « aucune recommandation n’est faite sur ces points ». Et de conclure : « Le débat est idéologique. Hervé ne supporte pas que l’on fasse une aliénation de la propriété publique. » Guerrera répond sous les soupirs de la majorité : « Si le mot "errements" n’est pas sévère, je ne sais pas ce qui est sévère ! » Bramoullé de conclure : « "Errements" ce n’est pas une illégalité, c’est un choix politique qui a été fait […] » Pendant ce temps-là, Deloche se balade dans la salle du conseil.
11h34
« Je sais que ça fatigue car ce n’est pas un sujet très excitant », s’excuse Charlotte De Busschere, élue d’opposition qui expose dans le brouhaha ses recommandations techniques sur le réseau de chaleur urbain et la pollution qu’il occasionne. « Tu connais bien le dossier. Et je partage beaucoup de tes craintes », acquiesce Bramoullé.
11h47
Castronovo s’interroge sur une énième subvention de 500 euros versée à l’association des commerçants. Une association qui a déjà reçu 26 000 euros. « Lucien-Alexandre tu t’acharnes un peu sur cette association. Je ne voudrais pas que l’on pense qu’il y a malversation », s’inquiète Bramoullé précisant que « les contrôles nécessaires ont été faits. »
12h07
Coup de théâtre, la délibération concernant le déploiement des compteurs Linky sur la commune est retirée. Applaudissements dans la salle. « On va gagner du temps sur les débats ! Lucien-Alexandre je n’ai pas pu te le dire avant, je ne l’ai su que ce matin », taquine Bramoullé. « J’ai écrit à madame le maire il y a plusieurs semaines pour lui faire une proposition de délibération qui permettrait d’être inattaquable juridiquement, mais je ne sais pas si ce courrier est arrivé entre ses mains… », précise Castronovo, instigateur de la fronde anti Linky. Deloche passe… et repasse.
12h20
Plan de sauvegarde et de mise en valeur d’Aix. « Nous constatons des dérives sur l’acquisition de petits locaux inadaptés pour y mettre des chiche-kebabs », note l’adjoint à l’urbanisme, Alexandre Gallese, crâne chauve et voix de stentor. Le but est que la ville puisse désormais interdire certains types d’activités. « Car imaginez si un propriétaire veut céder son garage à un vendeur de chiche- kebabs… On a vu certaines villes partir en vrille », poursuit l’adjoint. « Qu’est-ce que ça signifie quand tu dis "chiche-kebabs" ? », interpelle Gaëlle Lenfant. « Je ne suis pas raciste […] Chiche- kebab, snack, vente à emporter », précise Gallese. Cette dernière propose d’ailleurs que des produits provençaux viennent remplacer la malbouffe aux abords des lycées. Bramoullé calme les esprits de tous bords : « J’attire votre attention sur les dangers de ce type de réglementations […] Il se trouve que j’adore les kebabs moi ! Vous n’allez pas interdire non plus les roulottes de glaces ? Car quand il fait très chaud, je suis très content de manger une glace ! »
12h45
Délibération sur un jeu-concours destiné aux jeunes et qui se nomme « Dis-moi tout sur ton Aix », mais faute de frappe sur l’ordre du jour, le « tout » est remplacé par « toi ». « Wahou, c’est chaud ça ! », ironise Bramoullé à la lecture de l’intitulé.
12h50
Deloche sort fumer. « Le brouhaha, ça fait mal à la tête », se plaint Gaëlle Lenfant.
13h06
Lever de séance, Bramoullé de conclure : « Y’a un buffet à la salle Pavillon… Et y’a pas de kebab ! »
Samantha Rouchard
Article publié dans le Ravi n°154, daté juillet-août 2017