Itinéraire d’une enfant pas gâtée
« La première fois que je suis allée en prison, j’avais 13 ans », casquette vissée sur la tête et voix éraillée, Sonia (Ndlr le prénom a été modifié) a 21 ans aujourd’hui et un parcours carcéral déjà long. Sortie de prison il y a quelques mois, grâce à une association locale, elle a trouvé un appartement, et vient d’intégrer un chantier d’insertion. Elle tente désormais de se reconstruire loin des barreaux.
À 13 ans, son père l’installe dans un studio où elle vit livrée à elle-même. Seul son grand frère vient la voir parfois pour lui donner de l’argent. Suite à une perquisition, elle se retrouve incarcérée un mois. « Ils avaient trouvé des trucs « graves » chez moi, de la drogue et des armes, et je ne voulais pas dire à qui c’était. Je ne savais pas qu’on pouvait mettre des petits en prison », note la jeune femme. Son frère est finalement arrêté et elle libérée. Elle a 16 ans lorsque ce dernier meurt. C’est là qu’elle commence à voler…
Six mois de cage
Malgré tout, Sonia poursuit son cursus scolaire jusqu’à la terminale : « Je savais qu’en tant que mineure, je pouvais faire n’importe quoi à côté, tant qu’il y avait l’école, on ne pouvait pas me mettre en prison. » Mais à 17 ans, elle prend deux mois pour violence, puis six mois pour complicité de vol auxquels se rajoutent deux mois pour avoir fait rentrer des portables en prison. Et enfin, trois ans pour vol. Sonia passe sa fin d’adolescence dans une cellule. Seule sa mère vient la voir au parloir, elle y fait entrer les portables que sa fille revend en prison, butin dont elle s’empare au parloir suivant.
Incarcérée aux Baumettes, Sonia demande un transfert dans la région voisine : « J’avais escroqué trop de monde, il fallait que je parte. » Le transfert est refusé. « Du coup, j’ai fait un transfert disciplinaire. En gros, tu fais tellement n’importe quoi qu’ils ne peuvent plus te garder dans la prison », explique-t-elle. Un quotidien de violence, dont les stigmates marquent encore son visage. Elle est finalement envoyée dans une prison disciplinaire de l’est de la France. Et là-bas ça ne plaisante pas. Provocations, violences, Sonia prend six mois de « cage », enfermée seule derrière des grilles. « Sur certains ça marche, pas sur moi. Les méthodes sont extrêmes alors qu’elles devraient être adaptées à chaque personne », note-t-elle. « La prison c’est sur que ça endurcit. Mais le plus dur, c’est la solitude. Surtout quand tu es enfant, après tu t’habitues… Je ne regrette pas d’être allée en prison parce que j’ai grandi, même si je n’ai pas grandi comme tout le monde, avoue-t-elle. Si j’étais restée dehors, j’aurais fait pire. Tellement je faisais des conneries, quand on m’arrêtait, je ne savais même pas pour quoi ! »
Des nouvelles marques difficiles à prendre, une fragilité encore présente et le réseau qui n’est jamais bien loin. Mais la jeune femme reste lucide : « La prison c’est comme une punition. Il y a des enfants sur qui ça marche et d’autres non. Celui qui reste au coin et comprend ses erreurs et puis celui qui s’enfuie du coin et recommence ses bêtises… »
Propos recueillis par Samantha Rouchard