Irrévérencieux, critiques, novateurs, alternatifs, satiriques…
La presse pas pareille ? Il n’y a pas de définition dans le Petit Robert, ni dans aucune convention collective ou nomenclature du ministère de la communication. Et pourtant, elle existe ! Ce sont des titres produits par des passionnés qui s’obstinent à fabriquer, à diffuser et à vendre des journaux papiers non formatés à l’écart des autoroutes médiatiques où l’on communique plus qu’on n’informe. Objets à forte valeur éditoriale ajoutée, leur singularité interdit de les résumer en un simple « pitch », fusse-t-il alternatif. Mais dans son pluralisme la PPP est, tour à tour ou à la fois, irrévérencieuse, critique, novatrice, satirique, engagée…
Le mensuel le Ravi a organisé, fin septembre à Marseille, une première rencontre nationale des « pas pareils ». 16 titres venus des quatre coins de la France ont répondu à notre appel. D’autres auraient aimé être présents (1). Qu’est-il ressorti de ce rendez-vous où l’on a beaucoup tchatché au cœur des quartiers Nord si souvent caricaturés ?
L’argent, le nerf de la guerre
Il a été pas mal question de finance. L’argent, c’est connu, c’est le nerf de la guerre. C’est aussi le moteur de l’indépendance. La PPP n’appartient pas à de grands groupes, à des marchands d’armes, des bétonneurs ou autre dealers de téléphonie mobile. Elle refuse la publicité où ne la tolère qu’étroitement encadrée. Cela fait sa force mais aussi sa faiblesse. Nos titres sont souvent plus pérennes que d’autres pourtant plus richement dotés en capitaux car ils sont portés par des équipes motivés et des lecteurs responsabilisés. Mais la PPP doit lutter pour survivre. C’est le cas du Ravi dont l’avenir dépend actuellement d’une levée de fond (abonnements, dons) via un « Couscous Bang Bang », une formule de financement participatif (Cf pages 1 & 28).
Il a été aussi question de statuts à Marseille. Ceux de la PPP sont très divers. Certains ont choisi une forme coopérative – comme Alternatives économiques, l’Age de Faire, Regards… – d’autres sont édités par une association – comme Cassandre/Horschamp , La Décroissance, Silence…D’autres ont opté pour une SARL ou une SAS comme des entreprises classiques mais s’appuient parfois, à l’image de Politis, sur une association de lecteurs. Tous, même s’ils visent la rentabilité, ont un point commun là encore : leur finalité n’est pas de faire des profits ni d’enrichir des actionnaires. Tous ont aussi la volonté d’impliquer salariés et lecteurs dans leur gouvernance.
La diffusion a également fait l’objet de discussions. Le système de distribution de la presse, mis en place à la Libération pour assurer le pluralisme, est en crise. Les marchands de journaux ne gagnent pas leur vie. Les « petits » titres n’ont pas les moyens de « bouillonner », c’est-à-dire d’imprimer de grandes quantités de journaux, dont la plupart finirons à la poubelle, pour espérer en vendre une petite partie. Le statu quo n’est plus tenable mais la réforme que les grands groupes veulent imposer, visant à dérèglementer le marché, n’annonce rien de bon. La « PPP » (Golias, Silence…) a parfois fait le choix de déserter les kiosques, misant tout sur les abonnements et des circuits alternatifs. Mais comment, alors, sortir d’une logique de « niche » et toucher un plus grand public ?
Faire converger les titres « libres »
Quelle leçon tirer de ce premier rendez-vous marseillais des PPP ? Qu’il est urgent de poursuivre ce brassage d’idées et d’expériences ! Qu’il faut, en respectant les spécificités des choix et des modèles, jouer les synergies, mutualiser les moyens, faire entendre notre voix. Alors que les radios associatives, autrefois dites « libres », ont obtenu une reconnaissance, la « PPP » peine à rompre son isolement et à se fédérer. Il y a pourtant matière. Les aides à la presse, légitimes sauf à considérer que la liberté d’informer peut être régulée par le seul marché, sont souvent attribuées à l’aveugle. Télé 7 Jours reçoit plus de 7 millions d’euros là où Politis, le Ravi et les autres se contentent de quelques miettes d’aides au postage. L’argent public gagnerait à être mieux utilisé et distribué sur critère, hors de toute relation clientéliste.
L’association la Tchatche, qui édite le Ravi, a fait le choix, comme d’autres entreprises de l’économie solidaire, de mixer ses ressources : ventes, subventions publiques ou de fondations sur les actions d’éducation populaire, contribution en nature de bénévoles. Notre conviction est que – au côté du service public de l’information qu’il faut aider à renouer avec ses missions d’origine – tout doit être fait pour favoriser le développement de médias citoyens, indépendants, d’information générale. Même si notre pratique nous a conduits à rassembler d’abord des médias « papier », des convergences sont également possibles et souhaitables avec certains titres en ligne – eux aussi « pas pareils » – dont l’émergence est une excellente nouvelle.
Le sort de la PPP n’est pas qu’une affaire de journalistes. La vitalité de cette presse – riche de sa diversité et de son ancrage local – est un baromètre de la qualité du débat démocratique. Et elle ne prend sens qu’avec vous : les lecteurs pas pareils.
Michel Gairaud
le Ravi fête son 10ème anniversaire et ça risque d’être le dernier ! Pour s’abonner, pour faire un don, le « Couscous Bang Bang » c’est par ici !
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