Gaudin préfère le curé à l’instit’
Jadis prof d’histoire dans le privé, le sénateur-maire UMP de Marseille est resté un ardent défenseur de l’enseignement dit « libre » (1). Alors que la rentrée s’annonce une nouvelle fois chaotique dans les établissements publics à cause de l’impréparation de la réforme des rythmes scolaires (lire ci-dessous) et du manque récurent de moyens, au 1er janvier prochain le forfait annuel accordé par la commune aux élèves marseillais du privé va encore grimper de 10 euros, à 850 euros. Soit une subvention globale de plus de 11 millions d’euros pour les quelques 13 000 têtes blondes (maternelles et élémentaires) et 57 écoles privées de Marseille, toutes confessions confondues.
Une dotation plus que généreuse – elle est de 891 euros à Bordeaux, mais seulement de 597 euros à Lyon -, surtout au regard de l’état des écoles publiques marseillaises. Selon un rapport interne à la direction de l’éducation, si depuis 2005 le forfait du privé a flambé de 74 %, le budget de fonctionnement de l’éducation de la ville (hors masse salariale et investissement) a, lui, dû se contenter d’un petit +10 % jusqu’en 2013, dernière année connue. Il est passé de 21,6 millions d’euros à 23,9 millions d’euros, son niveau de 2009… A titre de comparaison, l’année dernière l’UMP Bordeaux allouait 10,7 millions d’euros à ses écoles et la socialiste Lyon 25,5 millions d’euros, pour respectivement 15 000 élèves et 36 000 élèves. Marseille en compte 74 000…
Culte du privé
« A Marseille, il n’y a pas de périscolaire, on manque de places et de moyens. Pour avoir un bus, c’est la croix et la bannière à cause des coûts ! Je n’ai pas l’impression que dans le privé ce soit le même combat, dénonce Séverine Gil, présidente du tout nouveau Mouvement des parents d’élèves des Bouches-du-Rhône (MPE13). La ville paie les activités complémentaires dans le privé – anglais, arts plastiques, tennis, etc. – alors que c’est hors cadre de l’Education nationale ! » Le forfait en faveur du privé est en effet égal aux coûts d’enseignement d’un élève du public. La liste de ce qui est éligible à subvention s’est d’ailleurs considérablement enrichie à l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy (2). Mais à Marseille, c’est un des secrets les mieux gardés : si la ville a mandaté en 2009 un cabinet d’expert comptable pour calculer le coût d’un élève du public, le rapport de la direction de l’éducation n’avance aucun chiffre et précise même, défense de rire, que « l’objectif de l’étude [n’était] pas de vérifier la réalité et la sincérité des sources d’information utilisées » ! Soupir de Séverine Gil, ancienne administratrice de la FCPE : « On a un vrai problème d’équité entre public et privé ! »
L’équité, Jean-Claude Gaudin y est pourtant très sensible. C’est au nom de la « parité », qu’il préfère, que ce très fervent pratiquant a toujours défendu le curé face à l’instit’ et milité pour le financement public de l’école libre. Selon le rapport de sa direction de l’éducation, c’est aussi en son nom qu’il a décidé de subventionner les maternelles du privé alors que la loi ne l’y oblige pas. Et c’est encore certainement en son nom, d’après le document, que le sénateur-maire UMP a majoré en 2004 « la dotation des élèves de l’école élémentaire de la charge financière des Atsem qui viennent aider les enseignants dans les classes de maternelles », ou décidé d’un petit coup de pouce de 27 euros pour les élèves des écoles privées installées en Zep. Dans le public, cette aide a été, en 2006, seulement de 4 euros…
Un drôle de paroissien
Autre petite douceur, révélée par Mediapart au printemps dernier (28/04/2014) : le maire de Marseille s’est fait rattraper par la patrouille pour une subvention pas très catholique de 250 000 euros votée à quelques mois des municipales pour la construction d’un gymnase dans la cours de l’école juive Yavné. Ses opposants assurent aussi qu’il a un faible pour les petites sauteries de l’enseignement privé et qu’il reçoit volontiers l’association des parents d’élèves de l’enseignement libre dans son bureau. Honneur que n’ont évidemment pas les fédérations du public. « Le soutien à l’enseignement privé est un marqueur idéologique de Gaudin », s’amuse la communiste Marie-France Palloix, élue dans les 6ème et 8ème arr. « Il ne s’en cache pas. Il considère que dans sa ville les écoles privées font un gros travail, qu’elles ont un rôle social », abonde Annie Levy-Mozziconacci, conseillère municipale PS du même secteur (3).
Mais la générosité du maire de Marseille envers l’enseignement libre n’est pas que pure charité chrétienne, comme le rappelle une ancienne élue socialiste : « Il y a également une posture politique de sa part. » CQFD ?
Jean-François Poupelin
>