« Gagner en rapidité et en diversité »
le Ravi : Ludovic Soler, aujourd’hui, lorsqu’une personne se retrouve sans logement, quelles aides s’offrent à elle ? Ludovic Soler : Nous travaillons principalement avec le 115 (numéro vert national), qui reçoit les appels des personnes démunies et les oriente vers le service d’aide le plus adapté en fonction de leur profil. Puis les ordres d’intervention sont transmis au Samu social. Cela se traduit par la prise en charge et l’accompagnement tous les jours d’une centaine de personnes sur Marseille : dans un accueil de jour pour bénéficier d’un repas équilibré, dans un centre d’hébergement d’urgence etc. Notre problématique majeure est de trouver la solution la plus adaptée et le plus rapidement possible, sinon on risque de perdre de vue la personne.
A Marseille, combien de ces personnes retrouvent un logement de manière pérenne à court-terme ? L. S. : Je peux évaluer à environ 900 par an les personnes qui sont en demande d’un logement d’urgence. Parmi ces 900 personnes, il y en a une soixantaine que nous accompagnons régulièrement, cela signifie donc qu’elles n’ont pas retrouvé de logement pérenne. Pour le reste, Je n’ai malheureusement aucun retour.
Depuis l’automne dernier, l’application mobile mySOS permet à un utilisateur d’informer des personnes connectées au service dans un rayon de trois kilomètres de ses problèmes physiques afin qu’elles le secourent ou préviennent les pompiers. Pensez-vous que son adaptation aux problématiques du logement d’urgence serait la bienvenue ? L. S. : Une application similaire aurait l’avantage de gagner en rapidité et en diversité, dans les réponses apportées. Cela nous arrive parfois de recevoir des appels pour nous signaler qu’une personne dort dans sa voiture depuis plusieurs jours. Une telle application pourrait permettre de gagner du temps avant que la personne ne s’enlise dans une situation difficile. Mais dans tous les cas, je ne pense pas qu’un hébergement temporaire chez des particuliers soit adapté pour des grands marginaux, qui vivent dans la rue depuis des années. Cela demande une prise en charge spécifique et adaptée.
Bernard Mourad, à quelles difficultés avez-vous été confronté avant de lancer cette application mySOS l’automne dernier ? Bernard Mourad : Principalement des freins techniques, par exemple pour assurer une géolocalisation permanente, nécessaire au bon fonctionnement de l’application. Son développement est plus complexe qu’un site internet. Pour la programmation d’un site, il y a un langage universel. Pour une appli, c’est plus fragmenté. C’est de l’artisanat ! La potentielle crainte concernant l’usage des données personnelles a vite été dissipée car elles ne sont stockées sur aucun serveur. Elles figurent dans le portable de la personne qui s’inscrit volontairement sur mySOS.
MySOS nécessite un smartphone et une connexion internet. Avez-vous imaginé des équipements n’excluant pas les personnes qui n’y ont pas accès ? B. M. : Je n’ai pas réfléchi à des alternatives, ce n’est pas mon métier. Mon métier, c’est de créer le réseau et le meilleur système d’alerte possible. Là on touche à un autre problème : la fracture numérique. Il existe des associations qui œuvrent dans ce domaine comme ALC (1).
l. R. : Une adaptation de mySOS au logement d’urgence est-elle envisageable d’après vous ? B.M : C’est un sujet très différent. Le fait de se porter volontaire pour devenir hébergeur implique sans doute moins de spontanéité. Il peut y avoir davantage d’appréhension par rapport à la personne que l’on va recevoir chez soi. Pour qu’une telle application marche, il faut un réseau suffisamment développé et de manière intuitive, je pense qu’il y aurait moins d’hébergeurs volontaires que d’anges gardiens. Mais il y a là un potentiel, un truc à creuser. A mon avis, ce ne pourra pas être une extension de mySOS. Il faudrait une appli spécifique à cela. Ce qui est intéressant dans le cas de l’hébergement d’urgence, c’est aussi l’aspect économique. Cela coûte excessivement cher à l’Etat (2).
Propos recueillis par Adia Touré et Linda Ecalle