Fumer c’est la santé…
Sur son balcon, Céline (1) bichonne trois pieds de cannabis. Pourtant, à 37 ans elle n’a jamais vraiment apprécié la fumette. Céline cultive pour se soigner. Elle souffre depuis 8 ans de plusieurs maladies auto-immunes qui provoquent des crises allergiques ou des douleurs articulaires et intestinales. « Je me suis retrouvée à prendre plein de médicaments : antihistaminiques, anti-inflammatoires, antidouleurs… Mais chaque année, mon état se dégradait. » Jusqu’à rester parfois 10 jours d’affilée clouée au lit.
Fatiguée de consulter des spécialistes « pas éclairés », ne supportant pas les antidouleurs, Céline s’intéresse à la médecine chinoise et découvre l’usage thérapeutique du cannabis. Sur internet d’abord, puis au sein d’une association, Principe Actif. Elle découvre des études sur l’intérêt de la plante dans le traitement des symptômes des maladies chroniques : insomnie, manque d’appétit, douleurs, spasmes… Et saute le pas, il y a un mois. « Pendant trois semaines, j’ai testé des gélules à base de cannabis. Tu en prends une le matin et il y a un effet de détente qui dure toute la journée. Cela me permet de mieux supporter la douleur. » Ces médicaments sont bien entendu interdits en France. Si Céline cultive, c’est pour pouvoir préparer ses propres « huiles et teintures mères » et fumer un peu pour se soulager. « Si tu vas voir un dealer, ça te coûte une fortune et tu ne sais pas ce qu’il va te vendre. »
« Comme le cannabis est illégal, il n’y a pas de suivi médical ni de contrôle des substances », explique Sébastien Béguerie, fondateur de l’Union française pour l’usage des cannabinoïdes en médecine. C’est une autre substance active de la plante, sans les effets psychotropes du THC. Comme le cannabidol que l’on trouve dans le Sativex, un médicament prescrit aux malades de la sclérose en plaque. Après 17 autres pays, il devait arriver en France cette année. Mais le comité économique des produits de santé bloque la mise sur le marché. « Les patients qui utilisent le cannabis se mettent en danger au niveau de la loi, déjà, mais aussi en se soignant avec des plantes pas adaptées, ou en surdosant, poursuit Sébatien Béguerie. Il faut former les professionnels de santé et créer une filière agricole qui permette de fournir du cannabis de qualité. »
En attendant la légalisation du cannabis thérapeutique, pour tenter de se couvrir en cas de descente de la police, Céline a demandé à trois médecins marseillais de lui faire une attestation prouvant qu’elle utilise son cannabis à des fins médicales. « Tous ont refusé. Je leur ai demandé "Par contre, vous pouvez me prescrire mon opium ? " » Elle est repartie à chaque fois avec 6 semaines d’antidouleurs à base d’opiacés, bien connus pour leurs phénomènes d’accoutumance et de dépendance. Il y a les drogues légales… et celles qui ne le sont pas.
Margaïd Quioc
1. Le prénom a été changé