Fuite de schiste en avant
A noter : débat sur la transition énergétique animé par le mensuel le Ravi à Forcalquier (04) ce samedi 16 mars à 16 heures. Toutes les infos, c’est par ici.
Plus d’exploration de gaz de schiste dans le Var ni dans le Vaucluse. Après des permis d’exploration d’Auzon et de Calavon, dans le 84, et de Brignoles, dans le 83, la fièvre autour du gaz de schiste en Paca est retombée. Mais avec les pétroliers, c’est toujours un peu plus compliqué. Une demande de permis dans le nord de la région (permis Préalpes) n’a toujours pas été annulée. La nouvelle de la prolongation pour trois ans du permis d’exploitation de Gardanne est tombée le mois dernier. « Nous nous battons contre quelque chose de très abstrait, ici personne ne voit de puits de forage, souligne Achim Gertz, secrétaire du Comité de vigilance gaz de Gardanne. On aimerait presque que les pétroliers passent aux actes pour mobiliser encore plus. »
Le chat et la souris
Les pétroliers ont engagé une guerre de tranchées. Delphine Batho, la ministre de l’Environnement, a assuré dans un courrier au président du Conseil général du Vaucluse que « toute demande de permis […] sera rejetée si elle concerne, même sans le mentionner explicitement, l’utilisation de la fracturation hydraulique et les gaz et huiles de schiste ». Ce qui n’a pas empêché la compagnie suédoise Thethys Oil de redéposer deux demandes de permis de recherches sur le même périmètre, mais cette fois concernant du pétrole, un hydrocarbure conventionnel. A la différence du schiste, hydrocarbure « non conventionnel », les demandes d’autorisation ne sont pas identiques. Ou comment sortir par la porte pour mieux rentrer par la fenêtre !
« On baigne dans l’hypocrisie la plus totale, on nous dit du bout des lèvres que juridiquement on ne peut rien faire, s’insurge Olivier Florens, conseiller général Europe Ecologie – Les Verts (EELV) de Vaucluse et membre d’un collectif d’élus récemment reçu par le préfet. Si ces permis sont accordés, ils ne se gêneront pas pour fracturer une fois que Hollande ne sera plus là. » Dans ce contexte compliqué, le monde scientifique se prononce de plus en plus pour la libéralisation de la recherche sur le gaz de schiste. En témoigne un rapport de l’Académie des sciences, publié en janvier, qui invite à autoriser les forages exploratoires et défend l’établissement d’un cahier des charges pour une prise de risque « calculée ».
Vers une nouvelle loi ?
Un jeu de cache-cache qui, selon le député EELV des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert, n’aurait pas lieu d’être si le parlement adoptait la loi qu’il a déposée en décembre à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, l’activité est toujours régie par la loi du 13 juillet 2011, votée sous le gouvernement Fillon, qui interdit la fracturation hydraulique sans la définir clairement. Si bien que le lobby pétrolier s’adonne maintenant à une novlangue bien maîtrisée : on ne parle plus de fracturation mais de « massage » de la roche par exemple. C’est plus soft… « Jusqu’à présent, c’était juste une sorte de protection, pas une remise en cause de la dépendance à l’énergie fossile, souligne François-Michel Lambert. Ma proposition de loi interdit clairement l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, qui sont clairement définis. »
Excédé par l’aveuglement politique face au réchauffement climatique, l’unique député écolo de Paca en veut particulièrement à Arnaud Montebourg, chantre du made in France et pourfendeur de la recherche sur l’extraction du gaz de schiste alors qu’il n’existe aucune filière en France : « Je suis rapporteur de la mission biomasse à l’Assemblée, une filière à potentiel énorme mais qu’on ne valorise pas. La transition énergétique exige une rupture avec notre mode de développement. Continuer de miser sur le fossile, c’est une fuite en avant. »Des écarts de positions entre PS et écolos, alliés au sein du gouvernement, qui semblent insurmontables. Sa loi sera-t-elle votée ? « Il va falloir faire beaucoup de pédagogie », confie-t-il. Quoi qu’il en soit, elle ne sera à l’étude qu’en 2014.
La nécessité d’abandonner le fossile pour se projeter dans la transition énergétique est partagée par le noyau dur de tous les collectifs provençaux anti gaz de schiste. Mais il est toujours plus facile d’être contre que pour. « Le débat sur cette transition revient indéniablement à chaque réunion publique, constate Pierre Arnoult. Tout le monde n’est pas d’accord sur les moyens, sur la question du nucléaire… » Pour continuer la lutte, l’animateur du collectif varois « stop au gaz de schiste », a l’ambition de fédérer les nombreux collectifs provençaux, très épars. Notamment avec l’objectif de créer un guide régional pour intégrer des clauses relatives à la qualité de l’eau souterraine dans tous les documents d’urbanisme locaux… Et ainsi bloquer en amont les activités des pétroliers. Dans le jeu de dupes, chacun dégaine ses armes.
Clément Chassot