Front contre Front au nord de Marseille
Éjecté par son ancienne famille socialiste, rejeté par celle d’adoption, En Marche !, Christophe Masse (1) a finalement du se plier au (dur) principe de réalité : divers gauche ! Une étiquette qui ne lui offrait aucune chance dans la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône. Le 30 mai, la mort dans l’âme, le conseiller départemental, héritier de la dynastie politique de Château Gombert (13e arrondissement), a donc jeté l’éponge. « Une élection législative ce n’est pas une cour de récréation, surtout lorsque l’on a en face le Front National et l’héritière du système Andrieux », a justifié dans un communiqué celui qui fut député de 2002 à 2007, comme son père Marius et son « papé » Jean. Oubliant que lui-même a abondamment profité du « système » Guérini !
Comme en politique il ne faut jamais insulter l’avenir, le petit dernier de la famille Masse a annoncé dans la foulée se mettre à la disposition d’Alexandra Louis, la candidate d’En Marche ! Pas sûr que ça suffise à la Marcheuse : au premier tour de la présidentielle, le nouveau président de la République n’est arrivé que troisième avec 18 %, loin derrière l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon (24,4 %) et très loin derrière Marine Le Pen (31,01 %).
Si les chances d’Alexandra Louis de l’emporter sont faibles, celles du FN sont par contre fortes. D’’autant plus que Stéphane Ravier, le sénateur-maire du secteur depuis 2014, a finalement obtenu l’investiture sur ses terres. Une occasion en or pour le patron du FN 13 de faire coup double : prendre sa revanche sur les législatives de 2012, perdues de justesse contre l’ex PS Sylvie Andrieux qui a du démissionner de l’assemblée nationale fin 2016 suite à sa condamnation définitive dans l’affaire des subventions fictives et réaffirmer sa légitimité alors que plusieurs de ses élus des 13/14 l’ont lâché.
« Ça frôle l’indécence ! » fustige Antoine Maggio, son ancien adjoint, entré en dissidence. Démissionnaire en janvier et désormais candidat sans étiquette, il dit « lutter contre tous », mais s’occupe surtout de celui qu’il surnomme le « dictateur nord phocéen ». « Ravier favorise la clientèle des noyaux villageois [et] c’est le candidat à tout ! Lui qui s’est fait l’apôtre du non cumul, est le champion des cumulards toutes catégories confondues ! C’est le plus culotté des culottés ! », accuse l’ancien protégé du sénateur-maire d’extrême droite. Et de prévenir : « Le FN n’est pas capable de gouverner. Je dis ça justement parce que je l’ai touché du doigt et je sais que ça brûle ! »
À gauche, qui a ses chances au vu du résultat de Jean-Luc Mélenchon le 23 avril, les relations sont tout aussi cordiales. « Il faut continuer sur notre bonne lancée, que les électeurs comprennent que s’ils veulent une opposition à gauche, il faut voter pour moi, pour la nouvelle gauche », assène Sarah Soilihi, candidate de la « meute » de l’Insoumis en mode Front de gauche, puisque le PCF ici ne présente pas de candidat contre elle (En écoute ici notre Grande Tchatche avec Sarah Soilihi). Réponse de la socialiste Anne Di Marino, partie à la reconquête d’électeurs « déçus et perturbés », selon ses mots, qui n’ont accordés que 4 % de leurs voix à Benoît Hamon au premier tour de la présidentielle : « Sarah Soilihi a été ma suppléante après avoir soutenu Castaner. C’est l’incarnation même du tourisme politique et de l’opportunisme » (2). Ambiance…
Il faut dire que les deux femmes se connaissent plutôt bien. Native d’une citée du 13ème arrondissement, la première, doctorante en cybercriminalité et championne du monde de kick-boxing de 24 ans, a milité à l’aile gauche du PS jusqu’à fin 2016. Candidate aux municipales de 2014, elle a aussi été porte-parole aux régionales de 2015 du maire de Forcalquier et nouveau sous-ministre aux buvettes de l’Assemblée nationale et du Sénat d’Emmanuel Macron. Plus classique, Anne Di Marino a grandi dans le marigot socialiste local. Censée représenter le renouveau sur le secteur, la conseillère départementale est autant l’héritière de l’ancienne députée Sylvie Andrieux, dont elle est proche et dont elle use du nom comme d’un sésame dans sa campagne, que du sulfureux Jean-Noël Guérini, l’ancien président du conseil général multi-mis en examen aux côtés de son frère. Son directeur de campagne, Rébia Benarouia, est en effet un des derniers fidèles du sénateur…
Le seul dont personne ne parle, ni en bien ni en mal, c’est Richard Miron, le candidat LR. L’adjoint aux sports de Gaudin est en effet absent des radars dans ces législatives. Interrogés sur leurs craintes, ses adversaires ne mentionnent même pas son nom ! Grand perdant aux dernières municipales face à Ravier, puis aux cantonales de 2015 face à Masse, il subit cette fois la déroute des Républicains et le scandale Fillon (16 % dans la circonscription au premier tour de la présidentielle). Pas de quoi crier au loup !
Jean-François Poupelin, avec Maïlys Belliot
1. Contactés, ni Christophe Masse, ni Stéphane Ravier n’ont donné suite aux sollicitations du Ravi. 2. Sarah Soilihi a assuré à La Provence (04/04) s’être retrouvée suppléante de Di Marino à son insu.