Fraternité de cuisine
La cuisine, c’est l’expression d’une culture profonde. Il ne suffit pas de suivre un atelier chez un restaurateur pour devenir un cuisinier provençal ! D’autant que, contrairement à la cuisine française qui a été codifiée à la fin du 19ème siècle, la cuisine de chez nous ne s’encombre pas de règles précises. Si ce n’est qu’elle s’attache à préserver le goût des produits utilisés.
Mais la cuisine, c’est aussi et avant tout le mélange. A commencer par les ingrédients. Ainsi, les légumes que nous avons l’habitude de cuisiner n’ont pas toujours tous fait partie de notre environnement. Les tomates, par exemple, nous viennent des Aztèques, au 15ème siècle. Les pommes de terre, quant à elles, n’ont eu la faveur du peuple qu’après que Parmentier les a faites goûter à Louis XVI…
Au fil des siècles, nous nous sommes appropriés d’autres ingrédients venant d’autres pays, comme l’aubergine et le pois chiche. Ce dernier nous a été ramené par les ouvriers italiens venus du Piémont qui travaillaient aux tuileries de St Henri à la fin du 19ème siècle. Ce légume a donné naissance, grâce à sa farine, à nos fameux panisses et chichis ! Petit à petit, on fait siennes les recettes des autres.
La cuisine d’ici se caractérise donc par de multiples variations autour d’une même recette. A Marseille, la daube, ce sont des morceaux de bœuf cuits dans du vin rouge. A la Ciotat, le vin est remplacé par du vinaigre. Alors qu’en Camargue, une daube, c’est du collier et des pieds d’agneaux… dans du vin blanc ! Certes, depuis le 19ème siècle, la cuisine méditerranéenne est plutôt restée figée. Mais, ici comme de l’autre côté de la Méditerranée, nous avons la même façon d’aborder les produits, ainsi que les mêmes méthodes de cuisson. Il existe peu de recettes, mais des façons de faire similaires.
La daube et le couscous, c’est donc la même chose ! Des bas morceaux gélatineux qui cuisent longuement à l’étouffé pour réaliser une sauce onctueuse, accompagnée par des légumes et un féculent, la semoule pour les uns, la pomme de terre pour les autres. Pas la peine donc de chercher le chaînon manquant entre ces deux plats.
Rapprochons-nous plutôt des manières de table. Et pour accueillir « l’autre », préparons-lui un bon plat de chez nous que nous partagerons avec celui qui deviendra alors le « commensal », c’est-à-dire l’invité qui mange à notre table. Après tout, celui avec qui l’on partage le pain, n’est-ce pas celui que l’on appelle depuis le Moyen-Âge le « co-pain » ?
Propos recueillis par Sébastien Boistel et Annie-Claude Jeandot, mis en forme par Véronique Fabiani et Fathia Bensalah