Ferdinand Bernhard, à l’insu de son plein gré
« C’est aujourd’hui la fin du mythe du meilleur gestionnaire de France ! », lance Olivier Thomas, élu d’opposition UMP à destination de Ferdinand Bernhard (sans étiquette, ancien modem, ancien UDF), maire de Sanary-sur-Mer (83), lors du conseil municipal d’octobre durant lequel le rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) a été rendu public. Le bilan est accablant pour la commune, une information judiciaire a d’ailleurs été ouverte par le parquet de Marseille. Les comptes 2009-2010 annoncés comme excédentaires étaient en fait déficitaires, le rapport parle de « sous-estimation des dépenses conjuguée à la surestimation des recettes […]. S’y ajoutent des comptabilisations erronées ». Des recettes surévaluées à hauteur de 2 millions d’euros en 2009 et 1,35 millions d’euros en 2010, avec une capacité de désendettement qui passe de 8 ans à 23 ans en 2009. La chambre a dû corriger les écritures « compte tenu de l’ampleur de l’insincérité budgétaire décelée ». « Je l’ai toujours affirmé mais j’ai été traité d’autiste et d’autres noms d’oiseau. Tous les ans, on nous dit que les finances sont saines, poursuit Olivier Thomas. En septembre, la ville a même été certifiée ISO 9001 par le Bureau Veritas, l’un des critères étant « la gestion transparente des deniers publics » ! (1) Ceci dit, même Madoff était certifié ! »
C’est pas moi !
Comment en tant que maire mais aussi délégué aux finances, Ferdinand Bernhard ne s’est-il aperçu de rien ? « Parce que vous croyez qu’un adjoint aux finances a le nez dans la comptabilité ?, rétorque-t-il. Ce rapport ne nous apprend rien du tout ! J’avais signalé ces erreurs de calcul à la CRC bien avant qu’elle ne donne ses conclusions, dès que je m’en suis aperçu. » Le maire de Sanary met en cause son ancienne directrice financière, mutée depuis et qui lui aurait caché la situation réelle. « Les trous ont été comblés [ndlr, par des emprunts], nous précise-t-il encore. Ce qui m’inquiète c’est comment cela a pu passer entre les mailles du filet de tous les contrôles précédents. Car la CRC ne fait qu’énumérer, mais si vous venez voir mon directeur financier, il vous dira tout ce qu’il a trouvé de plus ! » Pas très rassurant…
Ferdinand Bernhard aurait donc été, selon lui, abusé par sa collaboratrice… Mais pourquoi ? « Ben je ne sais pas, peut-être avait-elle peur de moi. » Une réponse plutôt évasive. Quand c’est flou, c’est qu’il y a le loup, diraient certains… Quoi qu’il en soit, aucune plainte n’a été déposée contre elle. « Ça servirait à quoi ? », nous répond-il. Ce n’est pas la première fois que Ferdinand Bernhard utilise la tactique du « c’est pas moi c’est l’autre ! ». Il y a quelques années, la ville aurait aussi perdu sa norme ISO 9001 à cause d’un ingénieur qualité peu scrupuleux…
Si j’aurais su…
Omnipotent, Ferdinand Bernhard oublie parfois qu’il doit en passer par son conseil municipal pour certaines décisions. Ce fut le cas des deux prêts de 1 million et 1,6 millions d’euros souscrits auprès du Crédit foncier, de la passation d’un marché concernant le journal municipal, d’un marché concernant le recrutement d’un collaborateur de cabinet et le choix d’avocats pour la commune, d’un permis de construire personnel accordé par son adjoint à l’urbanisme. Pour ce dernier point, il plaide la bonne foi et reconnaît son erreur : « Oui mais personne ne m’avait prévenu ! » C’est noté dans l’article L 421-2-5 du code de l’urbanisme…
La CRC constate que le maire et sa première adjointe possèdent un véhicule de fonction et une prise en charge de frais d’autoroute. « Le maire n’a droit qu’à un véhicule de service dont les modalités sont fixées et délibérées en conseil municipal, sinon il a son véhicule personnel », précise Christian Palix, maire DVD de Bandol. « Oui mais quand commence le service du maire et à quel moment il finit ?, s’interroge Ferdinand Bernhard. Si on me l’avait dit, j’aurais corrigé le tir, mais en 23 ans de mairie et après plusieurs contrôles on ne me l’a jamais signalé ! » « C’est justement cette passivité que nous lui reprochons alors que son rôle est de rendre des comptes… », s’inquiète Olivier Thomas qui demande la démission du premier magistrat.
Le Fisc (Fédération indépendante de sauvegarde du contribuable) a déjà déposé plainte pour faux en écriture publique, prise illégale d’intérêt, délit de favoritisme, trafic d’influence et détournement de fonds publics. L’association de défense des Sanaryens (dont Olivier Thomas est président) devrait suivre… Dans le Ravi n°88, nous titrions « Don Ferdinand et ses casseroles ». Désormais, ça serait plutôt des gamelles !