Fachos de toute l’Europe
« Ligue du Nord, Ligue du Sud, c’est la même lutte ! » s’exclame en tribune l’euro-député italien de la Lega, Mario Borghezio. D’une voix forte que l’accent italien n’adoucit pas, rythmé par son poing dressé, Borghezio se lance dans ses outrances coutumières en vociférant : « Vive notre ethnie ! Vive notre race ! » Avant d’évoquer son « peuple qui veut rester blanc » et de préconiser : « Il faut être avec les livres, les idées mais aussi avec le bâton. Il faut bastonner quand il faut ! »
Nous ne sommes pas en pleine Marche sur Rome (1), mais au Palais des Princes d’Orange, dans le Vaucluse, salle polyvalente culturelle officiellement louée par le Bloc Identitaire (BI) à la mairie gérée depuis 1995 par le député-maire Jacques Bompard. Initialement annoncé dans le programme de la Convention Identitaire, le président de la Ligue du Sud a finalement décliné l’invitation et s’est contenté de faire lire une lettre par l’un de ses adjoints, le Dr Vivien. La raison ? « Je pense que suite à notre occupation du toit de la Mosquée de Poitiers, Jacques n’a pas voulu envoyer un mauvais signal à Marine Le Pen en s’affichant avec nous », explique un militant du BI depuis la buvette où s’amoncellent les packs de bières.
Abrogation de la Loi Pleven
Le président du BI Fabrice Robert exige l’abrogation de la Loi Pleven sanctionnant pénalement l’incitation à la haine raciale et affirme qu’Harlem Désir est un « petit kapo des camps de rééducation anti-raciste ». Mais à la sortie des deux journées de convention, la stratégie politique des identitaires apparait brouillonne, tiraillée entre activisme de rue et volonté de rapprochement avec le FN. Le BI a pu compter sur la présence de l’ancien député UMP Christian Vanneste, venu vertement fustiger le supposé « lobby homosexuel ». En coulisse, les mairies d’Orange et Bollène sont très bien représentées, via notamment la présence assidue d’André-Yves Beck – le responsable de la communication d’Orange et adjoint aux finances de Bollène. Philippe Vardon, le président de Nissa Rebela, l’extrême droite identitaire niçoise, connaît bien Beck, le bras droit de Bompard : il a jadis fait avec lui un « stage de communication »… En coulisse toujours, Xavier Fruleux, directeur de cabinet de la mairie de Bollène… Nissa Rebela est tout autant partie prenante, qu’il s’agisse des multiples prises de parole de Philippe Vardon, du travail de sa jeune épouse Loriane Schoch comme attachée de presse de la convention, ou de la présence de la librairie du Paillon tenue par Benoît Loeillet qui propose à la vente des ouvrages de la fine fleur de l’extrême droite contemporaine, tels que Richard Millet (2) ou Bat Ye’or (3).
Sous l’égide de Raimbaud II, croisé du XIème siècle dont la statue trône dans le centre-ville d’Orange, les diatribes racialistes se succèdent via une quarantaine d’intervenants, dont deux seulement sont des femmes. En deux journées d’interventions, vingt maigres minutes sont consacrées à l’économie. L’islam, les mosquées et les musulmans occupent les consciences tel un thème obsessionnel. Lors du débat « Face à l’Islam, faut-il une riposte laïque ou une riposte catholique ? » l’ex-LCR Pierre Cassen, désormais supporter de Marine Le Pen, ainsi que l’abbé Pagès, ecclésiastique ultra, applaudissent une vidéo présentant le militantisme identitaire. Cassen lance un appel à « l’union des laïcs et des catholiques pour un front des patriotes contre l’islamo-fascisme ». Du message de Bompard, aux interventions des fachos en provenance de toute l’Europe, la même rhétorique de défense de l’occident est à l’œuvre.
Cependant la véritable conclusion de l’événement est une phrase de Steeve Briois, tenue loin d’Orange, dans les colonnes du Dauphine Libéré : « Le Rassemblement Bleu Marine dépasse largement le Front national et s’adresse autant aux électeurs déçus par l’UMP qu’aux identitaires, mais à titre individuel, s’ils sont sincères et de bonne foi (…) Nous invitons personnellement Philippe Vardon à Nice » ose le secrétaire général du FN. Il s’agit tout simplement des prémices du rapprochement entre identitaires et frontistes en vue des prochaines municipales…
Jean-Baptiste Malet